Après le succès de Drive, Nicolas Winding Refn nous avait promis un film haut en couleur. Aux antithèses de son film de 2011, Only God Forgives est beaucoup plus trash et surtout plus sexuel. A vrai dire, ce film, c’est du Refn puissance 1000. Alors qu’il nous avait habitué aux images ultra-travaillées et à une violence grinçante, il assume totalement son style en ne tournant que de nuit, avec 10% de lumière réaliste et en amplifiant le nombre et la qualité des scènes gores. Beaucoup émettent une critique à propos de la brutalité, comme quoi cette dernière aurait tout gâché. C’est qu’ils n’ont rien compris à Nicolas Winding Refn. Sa philosophie cinématographique étant « Art is an act of violence - et il y a en effet de la violence mais toujours mêlée à de la poésie comme lui seul sait la faire - donc vouloir l’ôter, c’est retirer Refn de son propre film. De même que celle qui tendrait à être la plus sanguinaire (scène de combat à poings nus) est finalement la mieux orchestrée, mêlant Western, kung-fu et Refn. La sexualité prend également une place importante pour la première fois chez Refn. Que ce soit dans Pusher, Bronson, Valhallah Rising ou Drive, le réalisateur ne traitait que très peu la question sexuelle ou y passait carrément outre. Mais encore une fois, il se démarque des autres en allant droit au but : un personnage d’apparence très viril mais présenté comme impuissant, un frère pédophile et une mère semblable à une menthe religieuse… Pour aboutir sur un merveilleux complexe d’Œdipe. Et, encore une fois, Refn ne livre aucune fin réelle. Dans Drive, impossible de savoir si le héros a survécu, s’il rêve, s’il est mort… Dans Only God Forgives, on tend presque à l’abstraction. Tandis qu’une bonne partie des plans sont imaginaires ou métaphoriques, une autre déréalise totalement l’image pour donner l’impression d’un rêve. Car le rendu le plus exceptionnel vient bien de là, de son travail sur la lumière et le cadre. On est très loin du Pusher caméra épaule en lumière naturelle. Là, Refn se surpasse totalement, encore plus que dans Drive (qui suscitait déjà le respect) pour nous livrer à chaque plan une œuvre d’art. Une sincère expérience d’ek-stase, où le film n’existe seulement pour lui-même. Evidemment impossible de ne pas noter les performances sublimes des deux acteurs que l’on connaît déjà, qui prennent des risques en allant aux antipodes de ce qu’ils avaient fait auparavant, mais aussi des acteurs thaïlandais qui savent transmettre les émotions par un simple regard.
Only God Forgives est une vraie expérience de cinéma ; un film extrêmement puissant et profond, qui ne peut laisser de marbre. Que ce soit par la lumière, l’histoire ou la violence, il ne peut que vous bousculer.