Donoma est un film qui a fait pas mal parler de lui sur le thème « le film qui a coûté 150€. » Si cette appellation est un peu une arnaque (ça veut juste dire qu'à peu près personne n'a été payé sur ce film, qu'ils ont squatté du matériel etc), elle sous-entend aussi une façon de faire du cinéma radicale qu'ils qualifient de « cinéma-guérilla », avec peu de moyens, des acteurs non-professionnels, dans une démarche proche de la Nouvelle Vague (et elle soulève aussi la difficulté de produire des films qui sortent des sentiers battus).
Le résultat est un film choral, très bien construit, autour des histoires d'amour et de cul de plusieurs personnages. S'il y a de l'improvisation dans les scènes, le canevas est sans doute précisément écrit. Pour résumer, il y a Dacio, le lycéen agité de 17 ans, qui a une aventure étrange et un peu dérangeante avec sa sulfureuse et explosive prof d'espagnol ; il y a Salma, dont la sœur est leucémique, qui a la mauvaise idée de sortir avec Dacio, et qui est paumée dans ses questionnements métaphysiques ; et Chris, une photographe qui met la vie à distance à travers son objectif, qui a envie de faire de sa première histoire d'amour quelque chose d'unique : elle emmène le premier inconnu qu'elle croise (Dama) chez elle, où ils resteront un mois sans se parler, à simplement mimer ce qu'ils ont à dire, pour être dans le sensible, le corporel.
Quand j'ai vu ce film, il était précédé d'un (brillant) court-métrage, White Girl in her Panty (2008), que l'on peut voir sur dailymotion, et qui donne une assez bonne idée du style de Djinn Carrenard, où l'on assiste à la rencontre de Dama et Leelop à New-York. Ce court-métrage est une sorte de « prequel » à Donoma.
Il ne faut pas s'arrêter au slogan « film à 150€ », Donoma est beaucoup plus que ça. Parfois cruel, sensible, fin, très touchant, tournant autour du thème vieux comme le monde du sentiment amoureux sous toutes ses formes, mais dépoussiérant les clichés, par sa façon de filmer, par son approche des histoires, par le naturel de ses acteurs. Il s'attaque à des thèmes assez durs et forts (la violence, les rapports de force et de domination, le racisme...) mais sans jamais en rajouter, sans appuyer, sans être démonstratif. Comme parfois dans les films choraux, certains passages sont moins intéressants que d'autres, mais c'est rattrapé par la justesse d'ensemble et la sensibilité du ton.