James Bond avait laissé place à Jason Bourne, renouvelant le film « d’agent secret ». Or, à force de profusion d’une nouvelle forme de mise en scène, plus ancrée dans le réel, on en oublierait presque les alternatives. Si pour certains Steven Soderbergh pouvait effrayer à la tête d’un tel projet, pour d’autres, il reste la variation possible sur un tel projet.
Ce touche-à-tout de genres et des formes se révèle au contraire une alternative plus qu’intéressante, adepte d’un cinéma conceptuel qui ose tout, s’affranchissant des critiques qui visent le plus souvent, à tort, le vide de l’arrière-plan de ses films. Si Soderbergh semble prendre des risques dans les formes qu’il emploie, n’en déplaise à une majorité, c’est au service d’un fond, son sujet, différemment des formes trop souvent copiées-collées. On restera objectif en admettant que son cinéma se veut, sans doute, narcissique. On tentera par la même d’y voir une expérimentation nouvelle à chaque nouveau projet, un jeu dans un 7ème art transformé et bien différent que le concept qu’il s’en faisait à ses débuts.
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En témoigne l’attention qu’il porte à filmer Gina Carano, parfaite, qui dans une suite de combats et poursuites, dont on ne saisit pas immédiatement les tenants et les aboutissants, se confronte à un casting XXL dans des combats graphiquement réussis. Pas besoin de fioritures pour agrémenter son film, sa réalisation est directe, tranchée, avec un sentiment d’ellipse invisible le temps de passer d’une séquence à une autre. Certes il faut admettre le procédé, mais aller plus loin et de manière différente que les codes usuels, par un cahier des charges trop souvent rempli à la lettre, procure un bien fou et apporte au genre, une alternative, celle d’un auteur s’en prenant au jeu peu subtil des conventions cinématographiques qui n’arrivent plus à se renouveler quand la forme fonctionne. Là où certains ne verront que des personnages secondaires peu travaillés, on verra plus directement ces derniers comme faire valoir « de l’avancé » de l’héroïne.
Piégée est donc plus qu’un simple thriller d’espionnage puisqu’il propose une lecture différente et critique intelligemment le devenir d’un cinéma phagocyté à force de se recopier.
Tout dans la mise en scène de Soderbergh, jusqu’à la durée du film (1h30) semble signifier et appuyer ce changement. On ne l’attendait pas sur ce genre de film car il ne sait pas copier ou être un faiseur d’Hollywood. Il s’imprègne de son sujet et lui inflige sa patte personnelle. Si les Jason Bourne et autre Mission Impossible sont le Gin Tonic du genre, Piégée serait un délicieux Cognac XO, plus emprunt à être dégusté, pris par surprise de son relief après dégustation. Les premiers ne sont pas condamnables pour autant mais la surprise subtile fait toujours plus d’effet. Bien sûr la force et le degré de diversion de cette radicalité laissera certains totalement épuisés, d’autres KO de plaisir nouveau…
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