Revoici Jason Reitman (Juno, Thank you for Smoking) dans une œuvre prometteuse mais finalement beaucoup trop référencée en regard aux antécédents du réalisateur. En effet, Labor Day s’illustre clairement comme étant le film clin d’œil à ses références dans la filmographie de notre ami Jason, lorgnant pour l’occasion sur quelque uns de ses modèles. Si ces références ne sont jamais clairement affichées, il apparaît bien vite qu’elles sautent aux yeux de tout cinéphile un tant soit peu intéressé par le contexte. On remarque alors d’emblée l’intérêt du metteur en scène pour les Noces rebelles de son confrère Sam Mendes. En effet, outre l’apparition commune de Kate Winslet, Reitman film les cottages banlieusards américains avec la même grâce mélancolique. Qui plus est, Labord Day étant clairement un film contemplatif, Reitman semble vouloir mystifier les tâches communes, les petites choses du quotidien à la manière d’un Terrence Malick, tout en mouvemente languissants et sur fond musical ambiant. Par-dessus le marché, le film s’inscrit comme un lointain cousin de deux œuvres majeures de Clint Eastwood. Je pense ici à un monde parfait et sur la route de Madison. Ceux qui y réfléchissent feront le rapprochement.
En somme, le cinéaste, même si voilà son film le plus impersonnel, reste profondément captivé par l’univers de la cellule familiale, dans sa version américaine. Une mère fragilisée par un passé douloureux qui l’on découvrira ultérieurement, et son fils débrouillard recueillent, un peu malgré eux, un criminel en fuite. Caché chez la petite famille, le bonhomme fait preuve d’un immense respect et d’une grande sollicitude. Qu’en deviendra-t-il de cette fameuse union? C’est bel et bien le but premier du cinéaste que de se faire rencontrer les différences et en dresser un bilan sur le plan social. Inutile alors d’y espérer de quelconques éclats, le tout s’avère aussi lisse qu’agrémenter d’un touche de romance traditionnelle trop peu surprenante. Pour autant, l’attrait du l’œuvre tient en la confrontation entre un excellent Josh Brolin, énorme charisme dans la première partie du film, et la sensible et fragile, sans doute un peu trop, Kate Winslet. Les deux acteurs font la paire et leur complicité fait mouche.
Je qualifierais volontiers le film de drame, certes, mais de drame familial. S’il est assez simple d’accès, Labor Day s’affiche pourtant très vite comme un exercice de style de la part d’un metteur en scène dans le besoin de se renouveler en prenant appui sur des valeurs sûres. Dès lors, Reitman déçoit, d’abord en noyant son récit sous un flot discontinu de musiques d’ambiance languissantes, omniprésentes et finalement lourdes à supporter. De plus, le cinéaste semble s’être perdu en route dans un esprit contemplatif qui fait durer son film une bonne vingtaine de minutes de trop. Le générique d’introduction, d’abord sympathique, devient très vite embarrassant tant il tire en longueur et tant le ton monocorde de la bande son finit par ennuyer. Le ton donné à l’ensemble du film n’est d’ailleurs pas foncièrement différent.
Décevant, certes, mais soulignons tout de même que Labor Day, Last Days of Summer dans sa version francophone, est un film intéressant dans la mesure où l’on n’y entrevoit toutes les influences d’un réalisateur ayant déjà fait ses preuves. Pas désagréable malgré son tempo pachydermique et une manie presque embarrassante de faire rimer pâtisserie et érotisme, le coup de la tarte aux pêches, il est clair que l’on attend d’avantage du réalisateur de l’excellente Juno, notamment. Un nouveau coup d’éclat, après avoir fait montre d’être le premier de la classe, permettrait à Jason Reitman de revenir dans le sillage des metteurs en scène les plus captivants du moment. Malgré ses efforts, Labor Day est donc insuffisant. 09/20