Elle secoue sa tête bouclée comme un bon gros chien. Elle est fidèle à ce qu'elle aime, elle est innocente et maladroite comme un bon gros chien qui vous accueille toujours avec la même joie.
Elle, c'est Bahia, pas du tout Brésilienne, mi-Algérienne, dotée d'un père serviable à l'extrême et d'une mère post-soixante-huitarde explosive et surdouée du coeur.
Bahia convertit tous les "fachos" aux idéaux de gauche. Comme elle dit :"Les mecs de droite, elle les nique, pas métaphoriquement". Le responsable de la jeunesse UMP du Pas-de-Calais, elle en fait un éleveur de moutons dans le Périgord. D'un champion de quad ("c'est facho le quad, hyper-facho!") un moniteur de capoiera.
Lui, il est jospiniste : comme dit Jospin, un jospiniste aujourd'hui, ça ne se rate pas, il faut lui rendre visite. Comme il est sympa, Jospin, tellement drôle, libéré, naturel, charmant. Quelle idée géniale de nous le monter sans doute sous son vrai jour.
Epizootiste, Arthur Martin vient d'une famille où il ne faut surtout parler de rien, des fois que les fantômes des grands-parents assassinés à Auschwitz réapparaissent. Comme dit Thomas Bernhard dans "Extinction" (précisément!), les parents d'Arthur Martin sont des "destructeurs de conversation". Il ne faut parler que de choses matérielles, insignifiantes, dénuées d'affect : le portail, les appareils électroménagers, la technique...
Le film pullule de trouvailles à la Woody Allen. Quand Arthur Martin imagine la rencontre de ses parents, il met en scène une jeune fille timide ... et son père, tel qu'il est au moment du film : un homme vieillissant, cheveux gris et légère bedaine. Et il visualise le coup de foudre, ce qui donne une scène hilarante.
Du Woody Allen, il y a en a aussi dans les dialogues du héros avec l'ado qu'il fut, mal à l'aise, ne sachant comment se faire remarquer des filles, jusqu'à leur dire qu'il est un petit-fils de la Shoah, pour se rétracter aussitôt, devant l'intérêt manifesté par ses interlocutrices : on est dans les années 8O, c'était bien plus intéressant que maintenant.
C'est cela qui est si délicieux dans ce film. Des sujets très sérieux: l'obsession de l'identité, la question du Bien et du Mal transposée politiquement en dualité gauche/droite, la montée des fachos ( de droite, de gauche, juifs, noirs, arabes, il y en a pour tous les goûts selon Bahia Ben Mahmoud- dire Mrrrmoud, surtout!). Et une incroyable ambiance de tendresse et d'amour de l'humanité.