Le bon sens populaire clame que "l'habit ne fait pas le moine". Et le nom, le ferait-il ? Prenez Bahia : elle a un nom arabe ("Benmahmoud"), mais pas l'apparence qui va avec - si son père est algérien, sa mère est française, et elle a ses yeux bleus et sa peau de blonde, son nom est maghrébin, mais cela ne se voit pas. Arthur maintenant : il est français, c'est même le Français lambda, physique et patronyme à l'appui - il se nomme "Martin", le nom le plus représenté dans l'Hexagone ; pourtant, sa mère est née "Cohen", et ses grands-parents maternels, juifs levantins, ont fini à Auschwitz, son nom de famille est typiquement, historiquement français, mais il est aussi à demi-Juif, et cela ne se sait pas... Voilà deux exemples qui montrent bien que "Le nom des gens" est un signe distinctif résolument plus complexe qu'on pourrait le penser. Cette constatation de base en forme d'apologue sera reprise et développée tout au long du film. Quand Bahia extravertie tendance excentricité majuscule rencontre Arthur, rangé et même plutôt introverti, elle veut immédiatement lui appliquer sa technique originale de conversion aux "bonnes" idées : se fiant à son nom banal, elle le classe en effet parmi les "égarés", ceux qui pensent à droite. Mais Arthur s'affirme en dernier "jospiniste" : il ne faut pas se fier aux apparences, et l'amour saura triompher de l'encombrante croisade sexuelle de la jeune fille ! Un ton inhabituel pour ce qui s'avère être une comédie "romantique", mais résolument atypique, voilà ce qu'a choisi Michel Leclerc pour son deuxième film, servi par un scénario et des dialogues à la mesure de cette ambition, et un casting aux petits oignons (Sara Forestier et Jacques Gamblin évidemment, mais aussi Jacques Boudet, Michèle Moretti et autres Zinedine Soualem ou Carole Franck, plus un "guest"de marque, inattendu) : sa réalisation détonne agréablement dans le paysage convenu en la matière (fantaisie, fraîcheur et trouvailles à gogo - par exemple le sensuel "habillage" par Arthur le délicat d'une Bahia trop pressée). Cependant la dimension "politique" et "mémorielle" avec ses airs de "déjà vu", avec ses gammes obligées (Sans-papiers, mariages blancs, identité nationale and co, ou visite au Mémorial de la Shoah) même si elle évite les lourdeurs du discours militant grâce à la forme poétique et humoristique empruntée le plus souvent, freine un peu l'adhésion totale à cette chronique réjouissante.