«Le Nom des gens » évoque de manière plutôt drôle, touchante et poétique, des thèmes lourds comme l’identité, le poids des tabous familiaux, l’immigration et ses souffrances. Un film où plusieurs voix s’entrecroisent, qui met en scène des personnages volontiers caricaturaux, présentés comme tel avec une ironie mordante (la conception caricaturale de la politique de Bahia est par exemple moquée).
HISTOIRE D’AMOUR
«Le Nom des gens», c’est la rencontre improbable entre deux personnages que tout semble opposer, mais qui va pourtant déboucher sur une belle idylle. D’un côté, Arthur Martin, un homme calme, austère, un peu coincé, qui mène une vie bien rangée et finalement très fade. De l’autre Bahia Benmahmoud, jeune femme très extravertie (souvent agaçante…), et déjantée, qui traine un lourd passé (elle a été violée par son professeur de piano) et couche avec des hommes de droite afin de les convertir aux idées de gauche.
NOMS ET IDENTITE
Arthur Martin est un anonyme parmi les anonymes. Rien ne le distingue, surtout pas son nom (associé à une célèbre entreprise de cuisines) et son prénom : il y a plus de 15'000 Arthur Martin en France. Sa carte d’identité le catalogue d’emblée comme «bon Français», (« au moins on sait d’où tu viens», lui lance Bahia), mais elle est réductrice (ses grands-parents maternels sont des Juifs qui ont été gazés à Auschwitz).
Un nom qu’on aimerait changer (Martin), un autre qu’on a dû renier (Cohen), qui évoque un lourd passé familial (la mère d’Arthur a échappé aux rafles juives de la Seconde Guerre Mondiale en francisant son nom). Bahia Benmahmoud a à l’inverse un nom qui la singularise (elle n’a pas d’homonyme en France). Ils est porteur d’une identité dont elle est fière, mais que tout le monde ignore. « C’est la première fois qu’on me regarde comme une Arabe», lance à un moment Bahia pour justifier sa liaison avec un musulman rigoriste qui lui impose le voile intégral. Ni son physique (au demeurant très avantageux), ni son prénom (tout le monde croit qu’il est brésilien) ne la ramènent en effet à son origine algérienne.
IMMIGRATION
Ce film fait écho au débat sur l’identité nationale voulu par Nicolas Sarkozy au milieu de son quinquennat, dont on sent qu’il a horripilé les deux scénaristes, qui ne cachent pas leur sympathie pour la gauche. Il est un plaidoyer assez convenu et un peu facile pour une France multiculturelle, métissée, ouverte sur le monde, généreuse, tolérante et humaniste, qui ne fait pas de distinction entre «Français de souche» et Français d’origine étrangère. «Le jour où il y aura plus que des bâtards sur Terre, la paix reviendra», lance Bahia avec une naïveté touchante.
Il ne dénonce pas seulement les clichés qui courent sur les Juifs ou les Arabes, mais montre aussi la souffrance de ces Français issus de l’immigration qui se sentent rejetés dans leur propre pays. «On est toujours l’étranger de quelqu’un», soupire Arthur à la fin du film. La France est historiquement une terre d’immigration, comme le rappelle au fond Lionel Jospin - fausse guest star du film – à la lointaine origine flamande.