Avis sur Double Take

La déception qu'on peut ressentir après avoir vu ce pseudo-documentaire est sans doute à la mesure de l'ambition qu'y a mis son auteur.
Pourtant, le programme promettait d'être des plus excitant : spéculations autour du double, de la gémellité obsédant Alfred Hitchcock (du moins le film le prétend-il), paranoïa des temps de la guerre froide, voilà un mélange alléchant...

Las, le film n'est qu'un grossier assemblage d'images d'archives (ah, comme ces stock shots font du bon docu estampillé “arty” !!!)
Assez politiquement orienté “anti-impérialiste”, le procédé est souvent d'une malhonnêteté volontaire (la répétition des échecs successifs des premières fusées américaines intercalé avec le sourire narquois de Khrouchtchev, ou la mise en parallèle des empires américains et soviétiques, vus comme puissances jumelles), tout cela n'aboutissant qu'à la production d'une confusion mentale, d'un brouillage des repères amenant à la fausse révélation d'une “histoire secrète” que masquerait l'histoire officielle (ah, ces “arrière-mondes”, chers aux complotistes de tout poil !)
Une réécriture de la mémoire qui rappelle le pire du cinéma de Peter Watkins.
Grimonprez, qui était déjà l'auteur voici quelques années d'un autre pseudo-documentaire faisant passer les pirates de l'air palestiniens des années 70 pour des héros télévisuels (en fait, presque des artistes d'art vidéo !), persévère donc dans la réécriture falsifiée d'une histoire du monde contemporain, assaisonnée avec une sauce frelatée portant l'étiquette “pur produit néo-marxiste”.

Double Take (2010) est un surprenant documentaire doublé d'un thriller haletant où le réalisateur a détourné des centaines d'images d'archives pour réinventer une histoire. Il y est ici question de manipulations télévisuelles, de duplicités, de Guerre Froide, de réalité et fiction (d'ailleurs, le spectateur est sans cesse dérouté, à devoir faire la part des choses entre le vrai et le faux). A noter ici que c'est Alfred Hitchcock qui "présente" à sa façon le film, face à lui on retrouve notamment Richard Nixon & Nikita Khrouchtchev. Johan Grimonprez nous offre ici un habile patchwork d'images télévisuelles, celles qui manipulaient les américains dans les années 60/70, sont ici désuètes et impressionnantes par leur puissance (de lavage de cerveaux).

Voici l’exemple typique de tous ces exercices de style expérimentaux auxquels je ne vois aucun intérêt. Il ne s’agit que d’un vulgaire pot-pourri d'extraits issues d’une interview d'un sosie d’Hitchcock, d’une autre du vrai Hitchcock et d’images évoquant la guerre froide. Le tout se retrouve ici mêler dans un long-métrage alambiqué sans la moindre trame scénaristique. Si le message alarmiste propre à l'oeuvre du "maitre du suspense" parvient à se dessiner de certaines scènes utilisées pour constituer ce long méli-mélo narratif, aucune réelle conclusion n’est a tiré de leur assemblage hasardeux.

si vous aimez hitchock, vous ne pouvez pas rater ce film... bien sûr le flirt avec la guerre froide est parfois un peu poussé (en particulier vers la fin, dommage) mais il n'en reste pas moins une analyse destructurée de la poétique/folie hitchockienne qui est passionnante, drôle et singulière ! truffaut aurait eu un orgasme en voyant ce film...