Sur DVD Classik : « Les derniers films américains de Fritz Lang sont empreints d’une vision très pessimiste et lucide de l’Amérique et de ses idéaux. Le cinéaste quittera les Etats-Unis trois ans après The Big Heat en livrant deux brûlots noirs et cyniques : Beyond a reasonable doubt (L’Invraisemblable vérité) et While city sleep (La Cinquème Victime). Jerry Wald , co-producteur de Clash by night, souhaite adapter une série d’articles publiés dans le ‘Saturday Evening Post’ qui dressent le portrait du gangstérisme moderne et de la corruption politique. Il pense que Lang pourrait en faire un film et propose à la Columbia de l’engager (son film suivant Human Desire sera également produit par ce studio). The Big Heat (Règlements de compte) est l’histoire d’une vengeance violente et désespérée d’un homme contre la corruption qui l’entoure. Lang avait déjà traité le thème de la vengeance dans Fury (1935), son premier film américain et dans Rancho Notorious (L’ange des maudits, 1952).
Le film décrit l’écroulement d’un univers parfaitement organisé, composé d’une part de la police et de ses hauts fonctionnaires, et d’autre part du monde de la pègre, dissimulé derrière des allures de respectabilité (leur chef, Lagana, se comporte en riche homme d’affaires aux aspirations politiques évidentes). Le suicide d’un policier, au début du film, va dérégler cet ordre établi et aboutir à un véritable jeu de massacre duquel personne ne sortira indemne.
Dave Bannion, un flic honnête et intègre, est chargé de l’enquête. Son acharnement à découvrir les raisons du suicide de son collègue coûtera la vie à sa femme. Dès lors, il va se comporter en justicier chargé d’éliminer la corruption autour de lui tout en restant dans le cadre de la légalité. Le film de Lang se voit justement comme une réflexion sur la mince frontière qui sépare le flic du truand car Bannion, dans sa croisade, va se comporter peu à peu comme ceux qu’il combat, n’hésitant pas à sacrifier des vies humaines pour arriver à ses fins. Il devient un personnage monomaniaque et robotisé qui, cédant à ses impulsions, laisse la vengeance le guider.
De tous les films de Fritz Lang, c’est sans doute celui dans lequel les hommes occupent les places prépondérantes, les femmes disparaissant les unes après les autres. En effet, la quête vengeresse de Bannion coûtera la vie à plusieurs femmes dont Debby Marsh, peut-être le plus beau personnage féminin de la filmographie du cinéaste. Une femme, marquée par la vie, au passé peu recommandable et qui, après avoir été défigurée par son amant, va se ranger du côté du policier et chercher en quelque sorte une hypothétique rédemption au sacrifice de sa vie.
La mise en scène de Fritz Lang est très inspirée. Son film est particulièrement violent par son rythme soutenu déclenché par le meurtre et la vengeance. Un rythme annoncé dès la première scène, saisissante par son efficacité suggestive : un revolver en gros plan sur un bureau ; une main saisit le revolver et sort du champ ; on entend le coup de feu. Toutes les scènes supposées violentes dans le film sont à l’image de cette introduction : la violence n’est pas montrée (on n’est pas chez le Scorsese de Casino) mais plutôt suggérée (l’explosion de la voiture qui coûte la vie à Katie Bannion ). Les moments de calme sont assez rares car ils se limitent aux scènes mettant en scène Bannion et sa femme au début du film
Les rôles principaux sont interprétés par Glenn Ford et Gloria Grahame, que Lang réunira de nouveau dans son film suivant Désirs humains, remake de La Bête humaine de Renoir.
Lee Marvin, quant à lui, campe un méchant d’anthologie, cruel et sadique. Le scénario, signé Sidney Boehm, insiste beaucoup sur la dimension humaine des personnages. Dave Bannion est en quelque sorte, selon Lang, le ‘monsieur tout le monde’, celui auquel le public s’identifie car il incarne la justice et se porte le garant de la responsabilité collective.
The Big Heat était le film préféré de Fritz Lang, concernant sa période américaine et fût un grand succès commercial. »
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