Ah ! Mais quel merveilleux film de vieux ! Le pire, c'est que je ne dis même pas cela de manière méprisante : pour les vieux, ce film est parfait. Difficile d'ailleurs de lui faire des reproches car il est évident que c'était là la démarche du réalisateur Mike Leigh, le titre à lui seul annonçant la couleur : "Another Year" – une année de plus ! – à comprendre, une année comme les autres... Parce qu'au fond, le film pourrait se résumer à ça : on fait comme si on se posait dans une famille, et on en prend les scènes du quotidien. Tom et Gerri (Eh oui, c'est qu'on a de l'humour en Angleterre...) vont faire du jardinage ; Tom et Gerri reçoivent la collègue névrosée de Gerri ; Tom et Gerri reçoivent le frère à la dérive de Gerri ; Tom et Gerri reçoivent leur fils et sa copine ; ou bien encore (attention rebondissement ultime de l'intrigue) Tom et Gerri vont assister à l'enterrement de la femme du frère de Tom. Ainsi, les dialogues et péripéties du film se résument à deux heures de : « tu veux un peu de thé ? » ; « ça va en ce moment ? » ; « rien ne vaut les tomates du jardin » ; ou bien encore « et à part ça, ça va vraiment en ce moment ? (Bah oui, c'est qu'entre vieux, on a pas beaucoup de sujets de conversation.) Alors, bien évidemment, je me doute que certains lecteurs qui ont vu et apprécié ce film diront que je n'ai rien compris, que le charme du film repose justement dans cette force à reconstituer le quotidien d'une famille « ordinaire » sans fioriture afin justement de toucher à l'essentiel... Certes, c'est vrai que c'est la démarche évidente du film et à ce titre on peut féliciter Mike Leigh car il a su faire des personnages qui sonnaient vraies tout en jouant de nombreuses subtilités dans la façon de montrer leurs humeurs et interactions. Néanmoins, pour des spectateurs comme moi qui vont au cinéma pour qu'on leur raconte une histoire, pour qu'on leur dresse une aventure humaine, ou qu'on les confronte à une expérience sensitive qui sort de l'ordinaire, ce genre de démarche est totalement incompréhensible. Des personnages authentiques, c'est une bonne base, mais pourquoi ne pas en profiter pour partir de cette base afin de commencer un film, et lui donner un minimum de relief et de profondeur dramatique ? Avec "Another Year", j'ai été autant sollicité que lors d'un repas de famille interminable durant lequel on a tout le temps de faire mille choses dans sa tête en attendant péniblement que le temps passe. Certes, on n'est pas mécontent de voir tatie et grand-papy, mais personnellement on s'étonne que ce repas dure aussi longtemps pour se dire aussi peu de choses... Vous l'aurez compris, pas méchant cet "Another Year", mais il est quand même bien barbant pour qui nourrit des exigences à l'égard du septième art...