CETTE DOUCE MÉLANCOLIE : qui berce, qui s'écoule, qui fascine, avec douceur sur ce dernier film de Gus Van Sant, explorant ici les thèmes qui lui sont chers : l'adolescence, la mort, l'amour, le spleen, avec une réalisation toujours exceptionnelle, mêlant plans fixes, ralentis, arrêts sur les visages, paysage épuré, le tout dominé par une photographie splendide, propre, pure, très rare. Ensuite, au-delà de cela, c'est la pudeur avec laquelle le sujet ( délicat pourtant ) est traité qui étonne et qui plait ; cette approche de la mort, toujours détournée, suggérée, rien n'est clairement énoncé, ni effusion, ni grande peine exubérance mais un jeu dans les regards, les mots, les quelques gestes qui rend à la mélancolie ses lettres de noblesse ; pas une douleur irrépressible ( parfois peut-être ), mais un mal profond, qui s'infiltre, se répand, lentement, et fait de l'être entier une entité perdue dans le labyrinthe du monde. « Restless » c'est l'amour en dehors de l'univers réel et de la réalité, c'est cette connaissance de la mort, son acceptation et cette envie de profiter de la moindre parcelle de tendresse, fut-elle aussi furtive que la plus petite des vies. C'est ces forêts inexplorées, ces clairières lumineuses, ces trains qui s'échappent, ces fantômes qui nous hantent, que l'on comprend parfois, ces feuilles d'automne qui filent sur le sol, cet amour dans un cabanon, ce réveil tendre et doux, cette ivresse joyeuse, contenue, cette douleur ravagée, ravageante. L'être aimé condamné à mourir et devoir accepter cette vérité, malgré tout, malgré les joies et la réunion des âmes. Regarder son amour partir à jamais, quel mot atroce lorsqu'il s'agit d'aimer, et se voir rester sur terre, triste, seul, pour toujours seul parmi les Hommes, loin de son royaume suprême. « Restless » est un bijou inestimable, drôle parfois, touchant souvent, intime, discret, si beau et si fort qu'il dépasse le statut de drame et s'élève au-dessus des cases convenues d'avance. C'est cet oiseau qui chante au petit matin, heureux qu'il est d'être en vie, après la nuit mortuaire qui l'effrayait... Enoch et Annabel : un nouveau couple-cinéma mythique ?