Présenté lors du dernier festival de Cannes dans la section "Un certain regard", Restless le dernier film de l'habitué de la Croisette Gus Van Sant (Elephant, Harvey Milk...) marque le retour du cinéaste sur ses thèmes de prédilection: la jeunesse et la mort. Quatorzième long-métrage du réalisateur, cette romance qui pourrait ressembler à tant d'autres parvient à nous surprendre et à éviter des sentiers pavés de clichés. Pas parfait, ce film mérite quand même le coup d'oeil, aussi bien pour les admirateurs du cinéaste que pour les néophytes. Verdict:
Restless met en scène un duo inédit au cinéma. Henry Hopper, fils du cèlèbre Dennis, joue ici son premier grand rôle au cinéma. Et c'est un très bon début, le jeune acteur paraît à l'aise devant la caméra et a su interpréter son rôle pas très facile avec brio. Il donne la réplique à la délicieuse Mia Wasikowska, déjà aperçue dans le Alice au pays des merveilles de Tim Burton, qui se révèle juste et touchante. La force du film réside dans ces deux personnages atypiques. Le jeune homme est perturbé par la mort de ses parents et vit un peu en marge du reste du monde, étant ami avec le fantôme d'un kamikaze japonais et passant son temps à assister à des enterrements. La jeune femme est en phase terminale d'un cancer mais ne subit pas ce poids de manière désespérée et montre un grand amour de la vie. De leur rencontre naîtra quelque chose de beau, un lien qui ne souffre pas des limites de la vie et le film se base sur ce lien en le traitant de manière poétique tout en se révélant à la fois beau et triste.
Sur cette base-là oui on pouvait s'attendre à de grandes scènes larmoyantes, remplis de discours pseudo-philosophiques sur la vie, l'amour et la mort sous un air de maudits violons. Mais c'est Gus Van Sant derrière la caméra et la manière avec laquelle il évite les lieux communs est admirable. Il aborde sous un jour nouveau la question de la mort vécue par Annabel. Celle-ci ne dramatise pas, elle relativise, elle en rit même, ce qui crée un contraste avec son entourage. La légéreté avec laquelle le sujet est traité fait vraiment plaisir, on évite au spectateur d'être écrasé et encouragé à pleurer sur son triste sort.
D'un point de vue technique nous sommes loin d'un Elephant ou d'un Gerry, la mise en scène de Restless est moins audacieuse mais ça reste bien filmé. Disons que nous avons ici un Gus Van Sant sous un jour moins expérimental, plus soft et mine de rien ça colle très bien avec le sujet. La photographie est également une réussite, ce film est beau visuellement. Beau tout court d'ailleurs mais hélàs quelques défauts viennent ternir le tableau.
J'émettrais une réserve quant à l'utilisation de la musique. Non pas qu'elle soit utilisée à des fins larmoyantes mais je la trouve un peu trop présente, ce qui rend certains passages moins légers qu'ils n'auraient pu l'être. Van Sant aurait pu faire une petite économie de ce côté-là. Après il y a cette scène à l'hôpital où Enoch s'énerve contre un médecin qui est inutile et clichée. En plus ça brise un peu l'esprit du film mais fort heureusement ce genre de scènes n'est plus reproduit par la suite.
Là où Restless brille c'est par son mélange des émotions qui ne choque pas et séduit. C'est une belle oeuvre, intimiste et humaine qui fait preuve d'une belle intelligence. La fin du film on la devine, on se doute qu'il n'y aura pas de beaux enfants à la clé, résultat d'un mariage heureux. La mort plane sans cesse dans ce film mais on ne la craint pas, seul plusieurs personnages la craignent et c'est ceux qui resteront bien en vie à la fin.
Un Van Sant tout en modestie pour un des films les plus touchants de l'année. Restless ne fera peut-être pas date comme Elephant, il n'en a pas la prétention d'ailleurs, mais pour ma part je pense que ce film mérite une considération particulière pour la force et la noblesse de ce qu'il raconte, et aussi pour sa manière de le faire. C'est une oeuvre toute simple et rafraîchissante qui prouve encore que l'on peut traiter de sujets graves sans lourdeur et même en y ajoutant une touche de douceur, de folie voire même de dérision. Un très bon film.