Si la bande annonce laissait augurer du grand spectacle, elle ne présageait pas un film aussi dur. Pour tout vous dire, je ne m’attendais pas à une telle tournure des événements, tout du moins pas de la manière dont elles se sont produites. Evidemment, si on a lu le livre "Le totem du loup" de Jian Rong (œuvre miraculeusement passée au travers de la censure chinoise), la surprise est moins grande mais pour ceux qui en ignoraient l’existence comme moi, on prend une sacrée claque. Le début est implanté de façon succincte mais efficace, avec ces jeunes étudiants envoyés dans les campagnes pour alphabétiser les exploitants agricoles. La suite est beaucoup plus poétique, avec des paysages dont la beauté est à couper le souffle, une musique de James Horner qui finit de vous envoyer au firmament de la plénitude, et l’œil de Jean-Jacques Annaud à travers sa caméra. Car j’ose le dire : qu’est-ce que c’est bien filmé !! Les fabuleux paysages donnent envie de voyager, et les animaux sont magnifiés d’une façon que je ne pensais pas imaginable. Les loups, d’habitude frêles et peu avenants, deviennent les acteurs principaux, et ressemblent davantage à des peluches vivantes qu’autre chose, grâce aux différents plans. Il faut reconnaître que cette sous-race de loups gris est magnifique. Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais grâce au jeu de contrastes et la lumière, leur pelage et leurs yeux sont largement mis en avant. Les plans qui nous sont offerts nous font ressentir les différents états d’âme que vivent ces bêtes, et on en arrive à deviner leurs pensées, leurs calculs de fins stratèges, leurs sentiments à travers leur comportement, comme la curiosité, le désarroi, la colère, ou encore la résignation. Les images prises au plus près nous font profiter de tout cela, jusqu’au moindre frémissement de leur fourrure provoqué par leurs mouvements ou par le moindre courant d’air. Alors je ne peux qu'être admiratif devant la qualité du dressage, me faisant donner ma mention spéciale aux dresseurs. En somme, comme seul (ou presque) Jean-Jacques Annaud sait le faire, une grande poésie ressort et la magie opère au cours de ce mélange de fiction et de reportage à la fois animalier, paysager, culturel et social. Car le réalisateur nous invite aussi à partager les us et coutumes du peuple mongol, et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça nous interpelle : bon nombre d’entre nous va en trouver de particulièrement choquantes, simplement parce que nos cultures sont fondamentalement différentes. Mais d’un point de vue plus mystique, elles se comprennent, bien que personnellement... ben j'ai eu un peu de mal, quand même. Cela dit, le spectateur n’est pas au bout de ses peines. Jean-Jacques Annaud, en grand amoureux de la nature, nous interpelle sur la bêtise humaine
, à commencer par le dépouillement du garde-manger des canidés, lequel va amener des conséquences sur les exploitations, puis encore des conséquences, et enfin des conséquences aux conséquences désastreuses
. "Le dernier loup" est donc empreint d’un message écologique, accusant l’être humain de tout détruire sur son passage, être humain soit disant instruit et osant qualifier les ruraux de gens primitifs alors que ce sont ces derniers qui savent vivre en harmonie avec le monde qui les entoure en le respectant, me faisant dire que ce sont eux les ruraux qui ont tout compris finalement.. "Le dernier loup" est la nouvelle œuvre du cinéaste, qui peut plaire ou ne pas plaire en raison des séquences chocs qu’elle contient.
Je pense notamment au massacre des loups, ou encore au moment où le jeune loup attaché se fait traîner sur quelques mètres alors qu’il est attaché à la carriole, ou encore au piège tendu afin d’attirer la meute en vue de son éradication (de la façon dont le louveteau se débat, j'ai cru revoir une scène de "L’ours" quand l’ourson est attaché par les chasseurs), sans oublier selon moi la seule scène ratée : le cimetière des chevaux, figés dans le vif comme s’ils avaient été saisis instantanément.
Pour finir, je pense que soit on aime "Le dernier loup", soit on ne l’aime pas, sans juste milieu. Ce que je peux ajouter avant d’en terminer avec cet avis, c’est que ce film n’a pas la même magie sur toute la longueur comme dans "L’ours". Mais vous ne pourrez qu'être séduits pas l’énorme qualité visuelle, condition sine qua non pour réussir une bonne photographie, ce qui est le cas.