Comment Takacs, qui accumule les nullités ces derniers temps, a pu commencer en faisant des séries B de bonne facture comme ce Lectures diaboliques, un métrage réussi. On se le demande.
Lectures diaboliques est en effet une bonne surprise, notamment au travers de ses acteurs. Argument massue du film, on notera surtout la composition hallucinante de Jenny Wright, récompensée pour sa prestation d’ailleurs, et qui s’empare de son rôle avec une conviction et une finesse de jeu assez incroyable. Elle crève littéralement l’écran, et elle donne grandement envie de la suivre, et pas seulement parce qu’elle est charmante, mais surtout parce qu’elle donne une subtilité à ses attitudes, ses regards, ses gestes, scotchante. Autour d’elles des acteurs moins marquants mais pas déméritants du tout. Clayton Rohner notamment, un peu lourd par moment avec son personnage légèrement borné, mais à la hauteur, et un méchant tout à fait charismatique.
Le scénario est proche de celui de Candyman. En effet c’est réellement à ce dernier film que j’ai pensé en visionnant Lectures diaboliques. Le métrage est construit pareil, ce qui le rend tout à fait original, d’autant qu’à l’époque il anticipait aussi sur Candyman. En dépit d’un rythme par moment un peu lent, Lectures diaboliques est assez entrainant, avec de bonnes séquences violentes, une actrice principale hypnotisante, et une approche qui instille bien le doute entre réalisme et fantastique. A noter quand même des rebondissements parfois trop prévisibles (la biblio), et une fin qui aurait pu être plus marquante, mais enfin Lectures diaboliques est très plaisant à suivre.
Visuellement Takacs livre une mise en scène percutante, qui rappelle d’ailleurs un peu le travail futur de Bernard Rose sur Candyman, mais aussi un peu quelques maitres de l’horreur italienne. J’ai trouvé à la fois le côté contemplatif onirique de Rose, par exemple avec toutes les séquences du pianiste, dans les apparitions soigneusement ménagées du tueur, et un style plus proche de celui d’Argento dans des scènes sanglantes soudaines et violentes, des meurtres qui d’ailleurs sont proches de ceux d’un giallo. La manière du réalisateur de filmer la ville aussi s’apparente beaucoup à celle d’Argento, autant dire que c’est plutôt un bon point. A cela s’ajoute des décors tout à fait convaincant, et surtout une très belle photographie, pleine de raffinement dans les éclairages, et une bande son aux petits oignons. Le recours à des classiques fait ici pleinement son effet. Par ailleurs les scènes horrifiques sont parfois spectaculaires (le visage du tueur est mémorable), et les effets spéciaux à l’ancienne fonctionnent plutôt bien pour l’époque.
En somme Lectures diaboliques a été une franche et agréable surprise, et c’est réellement bizarre de voir Tibor Takacs, laborieux artisan de séries B minables et fauchées, avoir livrée un film d’horreur aussi sympathique à l’époque. 4.5, pour le rythme un peu lent parfois et des rebondissements vers la fin trop prévisibles.