Avis sur Pour un soir..!

Un moyen-métrage longuet et mal construit. Le vide de l'histoire est abyssal, du coup de nombreuses scènes sont rallongées au point qu'elles semblent interminables. Par exemple, le passage lors duquel Jean Gabin pêche. Vous avez déjà fait de la pêche ? C'est mortellement ennuyeux. A se demander qui peut bien regarder l'émission de TF1 à 3h du matin sur la pêche à la truite. Eh bien on y a droit pendant de longues minutes, sans qu'il y ait le moindre intérêt. Autre chose qui me gêne dans ce film, la réalisation incohérente. Jean Godard semble ignorer complètement les notions de champ et de contre-champ. A plusieurs reprises, lorsque Gabin et sa bourgeoise se parlent, il passe du profil gauche de la fille à son profil droit, déboussolant ainsi le spectateur. De même, lorsque le bateau de pêche de Gabin accoste, le cadrage qui est trop haut baisse d'un coup de quelques millimètres ce qui donne un effet visuel désastreux. Dernier poitn qui me déplaît, la musique. On a droit à une sorte de best-of de musique classique. Why not me direz-vous. Mais là-encore, aucune cohérence avec les scènes. Pire, certains morceaux sont utilisés pour des scènes qui n'ont rien à voir. Par exemple, "La Moldau", à laquelle on adroit pour la scène de pêche, et puis une nouvelle fois 30 mn plus tard pour la scène de la plage quand Gabin scrute de son regard jaloux les faits et gestes de sa dulcinée. Je n'ai absolument pas compris. Bref, je n'ai pas aimé. Seul intérêt du film, montrer le port de Toulon et notamment "L'homme de Cuverville" dans les années 1930 donc avant les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. C'est clair qu'il était magnifique avant, quel dommage...

« Pour un soir » réalisé par Jean Godard en 1931 et sorti sur les écrans en 1933 ne figure pas dans les films les plus intéressants des débuts de Jean Gabin comme acteur de cinéma. Jean Godard qui disparaîtra des écrans radars rapidement a fait une brève carrière d’acteur à la fin de la période du muet avant de réaliser cet unique film confirmant que Jean Gabin n’était pas un acteur du muet au contraire de sa partenaire Colette Darfeuil qui avait une solide expérience dans le domaine depuis 1920.
L’histoire inspirée d’une nouvelle inédite de Robert de L’Isle prend appui sur la confrontation de deux mondes à travers la romance brève et surtout impossible entre un jeune marin (Jean Gabin) fils d’un modeste pêcheur de Saint Tropez et une chanteuse parisienne connue (Colette Darfeuil). Argent facile et frivolité parisienne contre enracinement local et bon sens paysan, « Pour un soir » comme l’indique bien son titre se révèle avec le recul comme une sorte de brouillon très maladroit du sublime « Gueule d’amour » (Jean Grémillon en 1937) à venir six ans plus tard où un Gabin au sommet de son talent et de sa gloire fera face à Mireille Balin.
Comportant de nombreuses scènes en extérieur (notamment dans Saint Tropez encore pittoresque avant de devenir la station balnéaire connue du monde entier), le film contient assez peu de dialogues en raison des contraintes techniques imposées par un parlant naissant mais aussi une musique assourdissante couvrant le peu de dialogues échangés. Les codes du muet encore présents obligent les acteurs à être plus démonstratifs que de mesure ce qui déjà ne convient pas à un Gabin paraissant très emprunté dans ce rôle romantique à l’extrême, les paupières et les cils fardés de khôl pour faire ressortir ses yeux clairs. Le jeune acteur n’arrive donc jamais à trouver ses marques devant la caméra d’un Jean Godard visiblement pas à son affaire qui ne parvient jamais à trouver le bon angle et la bonne distance mais surtout la poésie qui seule aurait pu soutenir le propos et atténuer la maladresse de sa mise en scène.
L’intrigue bien trop improbable compte tenu de l’unité de temps dans laquelle elle est enserrée ne contribue pas à rendre « Pour un soir » attractif. Pour couronner l’ensemble, le jeu de Colette Darfeuil est passablement plombé par des œillades appuyées frôlant le ridicule qui entament gravement le charme sulfureux attendu de son personnage. En somme rien ne fonctionne hormis une scène où Jean Gabin sommé par sa mère de réagir, pousse une courte gueulante qui nous indique que c’est bien lui et non son clone qui est gravé sur la pellicule. Sorti sur les écrans en août 1933 alors que l’acteur a terriblement progressé depuis le tournage en 1931, le film sera très mal accueilli. On comprend facilement pourquoi.

Film d'un réalisateur quasi inconnu mettant un scène un Gabin des débuts. Moyen métrage de la fin du cinéma muet avec une ambiance des années 30 délicieuses. Et la pêche n'est pas mortellement ennuyeuse..