Il était une fois, dans la forêt des Fonds Verts Affreux, un petit village où les habitants avaient conclu un pacte avec un grand méchant loup-garou. Celui-ci avait sans doute apposé son empreinte de la patte droite sur un contrat dans lequel il s'engageait à ne pas attaquer les villageois si du bétail lui était livré chaque soir de pleine lune.
Mais, un beau jour, arriva le cycle de la lune sanglante, seule période où le loup-garou peut mordre et transmettre sa malédiction, la bête consulta donc ses avocats et décida de rompre unilatéralement le contrat en allant croquer de la jeune fille au village.
Sur sa route affamée, elle allait croiser le Petit Chaperon Rouge aka Valerie (toujours une meilleure idée que de l'avoir appelé Brigitte), une jeune fille au physique d'Amanda Seyfried prise dans un triangle amoureux d'une intensité trépidante où ses grands yeux globuleux étaient convoités à la fois par un bûcheron (Shiloh Fernandez et sa tête parfaite de petit arrogant) et par un fils de bonne famille auquel la jeune est fille est destinée (Max Irons et sa tête parfaite de benêt ahuri).
Alors qu'une espèce de chasseur-prêtre fanatique (pauvre Gary Oldman, aussi gênant pour lui que pour nous de le voir là-dedans) arriva pour occire la bête, le loup-garou s'introduisit dans le village et, entre deux coups de griffes, se mit à converser tranquillement avec Valérie (oui, oui, il parle littéralement avec elle) en lui annonçant qu'il reviendrait la chercher pour l'emmener avec lui.
À partir de là, cette relecture du "Petit Chaperon Rouge" va se transformer en "whodunit" encore plus fainéant que le reste où il s'agira de découvrir l'identité de la fameuse grosse bébête poilue.
À la tête de cette funeste entreprise, on retrouve la Catherine Hardwicke de "Twilight" (non, pas celle de "Thirteen", hélas) qui nous balance n'importe comment les moments incontournables du conte de Perrault -la mère-grand, la cape rouge, le petit panier, le dialogue "Que vous avez de grands yeux...", le loup déguisé en humain, etc- dans une relecture gothique aussi hideuse visuellement que pauvre sur le fond (sérieux, personne n'a regardé ce machin avant de le présenter au public ?). En effet, elle passe totalement au travers de la cruauté et de la potentielle sexualisation du conte, les fioritures qu'elle rajoute pour tenter de péniblement gonfler le propos se résument à des intrigues amoureuses adolescentes (il y a même une scène d'amour dans le foin, punaise !), des rebondissements dignes d'un soap-opera et un suspense tellement superficiel qu'il en devient lourdingue autour de la révélation du loup-garou (ah, ces zooms hilarants sur les yeux des personnages pour reconnaître ceux du loup, bravo, quelle ânerie !).
Les rares éléments intéressants comme le fanatisme exacerbé du chasseur ou l'identité une fois connue de la bête auraient pu induire un sous-texte un tant soit peu subversif mais non, là encore, Hardwicke se contente du minimum avec, dans le premier cas, un prétexte sentimental (le personnage d'Oldman répète 150 fois qu'il a été obligé de tuer lui-même sa femme à cause d'une malédiction) et, dans l'autre, une tonne de flashbacks explicatifs pour justifier le comportement du loup-garou.
Malgré quelques éléments plus noirs pour inscrire le conte dans un contexte réaliste (le frère handicapé pris pour cible comme adepte du diable notamment), il n'y a qu'une scène (UNE seule scène à sauver) qui va véritablement lorgner du côté du cruel, c'est celle de la meilleure amie de l'héroïne lui révélant ses quatre vérités juste avant son possible sacrifice, un moment qui fait brillamment éclater tous les non-dits du pire de la pensée humaine.
Après, on se contentera de sourire avec l'apparition d'un "éléphant d'airain" (un instrument de torture qui se présente sous la forme d'un taureau d'habitude mais on n'est plus à ça près) ou devant les villageois s'amusant à rejouer "Les Trois Petits Cochons" pendant une fête (quid de cette mise en abîme ? On ne le saura jamais). Et c'est à peu près tout...
En pleine désintoxication post-"Twilight", Catherine Hardwicke s'est offert un livre des contes de Perrault et a décidé d'en faire un film. Elle n'aurait pas dû.