Qu'on soit bien d'accord, avant de voir ce film, pour moi Jean Rollin était un joyeux guignol enchaînant les pires bouses qui puissent être. Je me souviens même de mon visionnage de la fiancée de Dracula enregistré sur Arte dans le cadre du "cinéma trash" et d'avoir été choqué par la nullité du film (bon j'ai toujours pas vu le lac des morts-vivants, qui paraît-il est l'un de ses pires trucs).
Mais je commence à voir qui est le bougre et entre deux apparitions dans Entrez-vite je mouille et Dinosaur from the deep (j'espère que les titres parlent d'eux-même) j'ai réussi à voir des films de lui, qui n'étaient pas si mal.
Et finalement je tombe là dessus alors que je parcourais la page Wikipédia de Demy, où je suis retombé sur la table tournante, horrible navet parlant du cinéma de Paul Grimault. Or, d'après Wiki, ici c'est un peu le même principe, donc forcément je me suis précipité sur le film, car moins par moins, ça fait plus. Et effectivement.
Ce que Demy et Grimault n'ont pas réussi à faire, Rollin l'a fait.
Alors, oui, c'est chiant, c'est pas très rythmé, mais tout le film transpire la sincérité, on est loin d'un m'enfoutisme qui semblait caractériser ses films, le type donne tout pour créer du mystère, de la poésie, de la sensualité, sans jamais être vulgaire... Il se donne du mal pour intégrer intelligemment des extraits de ses films et qui rendent alors vraiment bien, malgré quelques trucages un peu kitch parfois. En fait j'ai eu un peu l'impression que Rollin s'inventait grand réalisateur dans son dernier film et que par un coup de Poker et une honnêteté sans égal il y parvenait.
On suit donc Ovidie (ancienne actrice porno, féministe et "intello", qui a aussi joué pour Bonello) qui parcourt les spectres qui hantent l’œuvre de Rollin (enfin de son alter ego Michel-Jean) et les rencontres surprenantes, nostalgiques, mélancoliques s'enchaînent et certes ce n'est pas forcément très bien dialogué, mais la sincérité étant là l'émotion fonctionne malgré tout.
Et le tour de force de Rollin est là, c'est de réussir à faire oublier tous les nombreux défauts du film (rythmes, écriture, jeu d'acteur parfois vraiment douteux) par sa sincérité, mais surtout par ses "bonnes intentions" qu'il souhaite véhiculer. Je veux dire par là qu'il donne ses intentions de réalisation et si souvent dans ses films c'était plutôt raté, l'idée était bonne et monté différemment, dans cette ambiance mélancolique, assez triste, les imagées tournées 30 ou 40 ans plus tôt fonctionnent vraiment bien (et ceci même lorsque les filles sont à poil ou dans une tenue totalement ridicules).
Je disais plus tôt que les dialogues étaient assez mauvais, ce n'est pas totalement exact, les réflexions sont souvent intéressantes et parviennent à véhiculer de la nostalgie, de la mélancolie, cependant les dialogues en eux-même semblent parfois tomber un peu à plat. Disons que ça ne sonne pas aussi bien que ça aurait dû sonner, l'idée est là, mais l’exécution est imparfaite.
Je retiendrai malgré tout une scène où l'on compare deux films de Wellman, la ville abandonnée et the ox-bow incident (alors j'ai vu les deux films d'affilé ou presque fut un temps et je dois avouer ne pas me souvenir de ce qu'il raconte) où il y aurait la même scène dans les deux films, puis Ovidie dit que Michel-Jean lui a dit la même chose, et c'est raconté d'une telle manière que ça permet de prendre un grand recul et de ne pas faire "je cite pour citer", mais ça s'intègre vraiment bien dans le récit.
Le film joue sans arrêt avec la frontière du rêve, de la mort et du cinéma et de manière vraiment habile, puisqu'on ne sait jamais si le personnage est mort ou s'il est juste un personnage d'un film...
Habile.