Les réalisateurs de « Chocolat » et de « Gauguin » avaient maquillé une partie de la réalité pour permettre au spectateur de s’indigner pour l’un, pour compatir à la douleur de l’artiste-peintre pour l’autre. Je n’apprécie pas que l’on manipule le spectateur, qu’on manipule mes émotions. Gommer volontairement des traits déplaisants des personnages historiques, c’est gommer une partie de l’Histoire. Mieux vaut un biopic classique mais instructif - scolaire soit-il -, qu’un biopic « trafiqué » ! Alors que dire de «The Greatest Showman » ? Quel intérêt de travestir totalement la réalité ? A quoi sert d’édulcorer la vie de Phineas Taylor Barnum ? Un être immonde qui a fait autant souffrir les humains que les animaux ! Barnum raciste, inhumain, opportuniste, mercantile. Certes, on peut le voir comme un homme en avance sur son temps, il avait le sens du spectacle, de la publicité (mensongère, très mensongère). Certes, il faut aussi replacer le contexte. C’est la deuxième partie du XIXème siècle. Voir des éléphants, des animaux extraordinaires sortaient de l’ordinaire. Voir des humains catalogués « Freaks », « Monstres de foire » relevaient de l’extraordinaire. Plaquer des émotions du XXIème siècle sur les mentalités du XIXème siècle n’est sans doute pas approprié. Avait-on la même bienveillance ou la même indignation en ces temps où l’horizon se limitait à son usine ou à sa misère ? Hugh Jackman s’est-il renseigné sur le personnage ? Accepter le rôle c’est cautionner un mensonge. Entendons-nous bien, jouer un personnage immonde, sans morale ne se refuse pas. Au contraire, ce sont des rôles forts. Mais interpréter un personnage éloigné de toute réalité, à qui on a pratiquement travesti sa mentalité, en faire un autre personnage me paraît malhonnête voire malaisant. C’est comme si on modifiait le comportement de Hitler, je sais j’exagère ! Il avait certainement des qualités. On aurait pu en faire un personnage humain, coloré, grâce à ses études d’Art. Que n’aurait-on pas dit ? Dernièrement, « La mort de Staline » une farce effrayante où on sourit. Mais cette réalité où on sourit est habilement cuisinée et c’est ce qui la rend effrayante. Un film qui prouve qu’on peut s’amuser avec la gravité de l’Histoire. Pourquoi ne pas nous avoir pondu un Barnum exécrable en mode farce musicale ? Ce ne serait pas le même film, je sais. Bref, me voilà devant un dilemme ; si j’occulte tout préjugé, je confesse que cette comédie musicale était plaisante. Colorée, enthousiaste. J’aime les comédies musicales qui dansent avec les éléments et l’environnement. J’ai bien apprécié la scène où Zac Efron et Zendaya chantent en dansant avec la corde du trapèze. Aussi choquant que ça puisse paraître, j’ai préféré « The Greatest Showman » à « La la land » ! Hormis l’introduction de l’embouteillage, « La la land » était une comédie musicale en pantoufles. Puis les comédies musicales qui parlent en chantant comme l’indigeste « Les misérables » ou autre « Sweeney Todd » me sont insupportables. Entendu, les chansons se répètent et on ne peut pas dire qu’il y en ait trois qui se détachent dans ce « The Greatest Showman ». Le film aurait tendance à lorgner du côté de Disney, c’est un bonbon acidulé, un sucre d’orge aux couleurs saturées. Tout le monde il est beau et il est gentil, on ne s’embarrasse pas de morale, d’identité. J’ai bien été manipulé. Alors moi aussi, je vais m’arranger avec ma morale : cette comédie musicale s’inspire de Barnum pour son sens démesuré du spectacle mais ce n’est pas Barnum. Celui joué par Hugh Jackman est nettement plus sympathique que Barnum… Mais ce n'est pas parce que je m'arrange avec la morale de ce film que je vais pour autant bien le noter. C'est pourquoi je mets une étoile pour ce film subterfuge. C'est dommage car il est loin d'être mauvais. M comme "mauvais" , ce qu'il n'est pas ; M comme "manipulation" ce qu'il est. A voir en V.O tout de même !