Il était une fois un rêve. Un rêve fait de paillettes et de couleurs. Un rêve fait de célébrité, et d’une certaine manière de reconnaissance, ou de réussite et de richesse. Un rêve fait de gloire. Un rêve empreint de magie tant tout cela parait inaccessible, sauf dans les rêves les plus fous. Ce rêve enivrant, il est jeté sans attendre à la figure du spectateur par une première scène qui a vite fait de l’emmener sur le toboggan tourbillonnant du bonheur. Ce rêve, il est montré tel que Phineas Taylor Barnum le voyait (dans le film en tout cas). Chers lecteurs et chères lectrices, chers abonnés, ce rêve fou profondément ancré en lui et auquel il s’est accroché de toutes ses forces a été mis en scène au prix d’une chanson et chorégraphie des plus audacieuses. La mise en bouche est, comme je vous l’ai dit plus haut, si enivrante qu’elle risque de vous faire avoir le frisson. Cette entame sensationnelle rendue par la chanson magnifiquement orchestrée par les percussions sorties tout droit des pieds martelant les gradins en bois à en faire pâlir d’envie le groupe Les tambours du Bronx confortera le public dans la petite phrase présente sur l’affiche placardée un peu partout dans les villes : « un film à ne pas manquer ». Le seul regret est que cette scène d’ouverture soit si courte. Il y aura malheureusement par la suite quelques petits coups de mou, c’est vrai. Mais c’est pour mieux rebondir et redonner un nouvel élan (les plus marquants étant ceux donnés par la touchante Keala Settle puis par Sam Humphrey) à cette comédie musicale qui décidément mérite bien son nom. Une bonne comédie musicale est une fiction qui vend du rêve, qui véhicule de la magie, qui transporte au pays du bonheur. Le spectateur pourra cependant être gêné par l’anachronisme des musiques et des chorégraphies. Ce fut mon cas. Il faut bien le reconnaître, ces dernières n’ont, je pense (et je ne crois pas me tromper), rien à voir avec celles qui se pratiquaient à la moitié du XIXème siècle. Et puis on se surprend à les accepter (ce fut mon cas là aussi) en se rendant compte que "The greatest showman" a été construit selon un meuble féérique à plusieurs tiroirs. N’attendez pas un biopic sur Phineas T. Barnum tel qu’on peut l’attendre dans ce genre d’exercice. Ça n’en est pas un. L’option prise a été axée sur la comédie musicale, rien que sur la comédie musicale et uniquement sur la comédie musicale. Ce qui parait être une bonne idée pour montrer comment le cirque est né. Or une bonne comédie musicale a besoin d’être romancée pour transporter le public dans un flot d’émotions. La musique, la danse, le spectacle rassemblent les peuples, c’est bien connu bien qu’il y ait toujours quelques réfractaires. Et c’est exactement ce qu’il se passe pour "The greatest showman" : globalement le public est satisfait de ce grand huit à émotions, tout en faisant des mécontents puisque les mauvais côtés du personnage principal ont été laissés de côté. Sur ces mauvais côtés, je ne suis pas tout à fait d’accord car ils sont tout de même évoqués : l’envie de réussite envers et contre tout, cette volonté de faire sensation en montrant au public des bêtes de foire sous le plus grand jour, la poursuite d'un rêve au détriment de sa famille… Mais pour ceux qui se laissent volontiers embarquer à bord du grand huit, celui-ci vous fera voir les thèmes universels comme si vous deviez voir défiler toute votre vie. Au fur et à mesure que le film se déroule, les tiroirs deviennent facilement identifiables. Ils portent sur des sujets encore aujourd’hui d’actualité. L’un deux sera même clairement énoncé par cet épouvantail de « critique-théâtre-qui-ne-rit-jamais », un personnage qu’on n’arrive pas malgré tout à détester. C’est peut-être en raison de l’actualité encore existante de ces sujets, que le choix s’est porté sur une modernisation des chorégraphies et des musiques. Que dire encore, sur ce film ? Que les chansons collent parfaitement au récit ? Eh bien oui les paroles collent. Quoi d’autre ? Que le travail effectué sur les chorégraphies est énorme ? Assurément il l’est. Certes on appréciera les chorégraphies en duo, la première sur les toits accordée au couple Barnum, et la seconde sur la piste donnée par Phillip Carlyle et Anne Wheeler, quoique celle partagée par P.T. Barnum et Carlyle est pas mal aussi, surtout avec la participation d’un troisième larron. Mais surtout, les chorégraphies de groupe sont bluffantes. Tout est parfaitement synchronisé, et même les accessoires ont droit à leur heure de gloire : les chapeaux haut de forme bien entendu, mais aussi bouteilles et verres pour ne citer que ceux-là ! Quel boulot cela a dû être ! Parce que imaginer de telles chorégraphies est une chose, mais les mettre en œuvre en est une autre. Et le résultat est parfait. Comme on peut s’y attendre dans une comédie musicale portant sur l’inventeur du cirque, c’est coloré, c’est beau, c’est fastueux. Et c’est très bien mis en images par une esthétique de l’image montrant du rétro de façon moderne. Un peu comme cela a été fait pour la musique et les chorégraphies. Alors oui, c’est vrai, ce film est blindé d’anachronismes, si on peut toutefois appeler ça comme ça. Mais c’est une façon de souligner les thèmes vieux comme Hérode. L’attachement du spectateur ira indubitablement vers cette troupe à la composition improbable. Et même si Hugh Jackman est parfait dans le rôle de Phineas, même si Keala Settle est touchante, et même si Cameron Seely ainsi qu’Austin Johnson sont mignonnes à croquer en filles Barnum, Michelle Williams remporte selon moi la palme de l’interprétation en épouse aimante. Entre les répliques d’une pureté délicieuse adressées à son mari, il n’y a qu’à voir comment elle le regarde. On la croirait vraiment amoureuse ! Il ne faut pas oublier Rebecca Ferguson en Jenny Lind, cette chanteuse à la voix d’ange et au regard envoûtant à faire avoir chaud n’importe quel homme planté au beau milieu de la banquise qui, elle non plus, pourrait ne pas rester de glace même au cœur de l’hiver le plus rude. Alors oui, cette fois j’ai rêvé. Et j’ai battu la mesure. Et j’ai même joué au métronome avec ma tête. La seule chose est le final un peu too much avec des rajouts qui interpellent
: les lions
. Oh ce n’est pas grand-chose, mais ce petit truc too much casse un peu le rêve, tout simplement parce qu’on ne croit pas à ces rajouts. C’est surtout inconcevable. Dommage ! Cependant ils constituent un élément essentiel de la magie du cirque. Et même si tel n’était pas le vœu le plus cher de Phineas Taylor Barnum au départ (à supposer que ça ait pu l’être un jour), "The greatest showman" constitue un bel appel à l’humanité, voire une ODE à l’humanité. Ce n’est peut-être pas plus mal, finalement. Chacun se fera son avis là-dessus, mais il serait tout de même dommage de se priver d’un tel spectacle. Parce que Hugh Jackman est un vrai showman. On peut en dire autant du réalisateur Michael Gracey (dont c'est le premier long métrage distribué par les plus grandes maisons) : une grande diversité de prises de vue et une splendide esthétique visuelle. Un film pensé comme un vrai spectacle, et rendu comme tel. Alors je termine par une confirmation : effectivement, un film à ne pas manquer.