« Bienvenue à Gattaca » fait partie de l’un de ces gâchis cinématographiques, qui à partir d’un concept de génie, nous sort un scénario et une réalisation tout au mieux corrects. Il y a de bonnes idées certes, mais aussi un contentement fâcheux, une exploitation trop superficielle du sujet à y lésiner sur une écriture plus aboutie. Subtil anagramme des composants A-C-T-G de l’ADN, Gattaca est un haut lieu technologique où ne sont acceptés que l’élite de la société, non seulement par leur mérite, mais également par leurs qualités physiologiques intrinsèques de leur génome. Jerome Morrow en fait partie, et aspire à y réaliser son rêve d’enfant. Les personnes conçues naturellement et non par une combinaison sélective des meilleurs gènes dans un laboratoire, sont ainsi discriminées dès leur naissance, et vouées à supporter cette épée de Damoclès tout au long de leur vie. Notre quête insatiable de la perfection, dans un monde où l’on veut arriver toujours plus loin toujours plus vite, pousse la recherche à essayer de tirer le mieux de ce que peut représenter l’être humain, dans sa conception la plus aboutie imaginable qui soit. Faisant la sourde oreille à toutes sortes d’éthiques, les technologies issues de notre savoir avancent en tendant vers un corps humain avec le minimum de défauts possibles, sans souci aucun ce que cela peut engendrer comme chamboulements dans la société, même négatifs, peu importe. Ce qui importe c’est la performance et rien d’autre! Voilà en somme la mise en garde de ce film qui a réussi au passage à prédire avec brio des technologies actuelles (la montre connectée, les voitures électriques rechargeables au style rétro), et pour le coup à faire passer un message en ce sens sans malheureusement suffisamment nous faire ressentir la profondeur des dangers d’une telle démarche. Le scénario est pas mal, mais aurait quand même mérité d’être complexifié davantage, avec plus d’enjeux, d’événements, de rebondissements, et de lieux aussi (toute l’action du film se déroule autour de 4 ou 5 lieux différents à peine), tout cela est bien trop minimaliste ! Ce qui est surtout dommage, ce sont les dialogues, pas assez travaillés. Là où l’on aurait pu dépeindre la détresse psychologique des 3 personnages les plus intéressants -les deux frères et Jerome Morrow-, on n’a droit qu’à un aperçu, quelques bouts de paroles sans suite. À part un chouia de répliques intéressantes, les dialogues sont globalement à l’image des décors : fades, très brefs et on n’y trouve que le strict minimum sans plus d’argumentations.
On sait que le vrai Jerome boit trop par moments, mais on ne comprend pas trop ce qu’il fait de ses journées, ni vraiment ce qui le hante tant au point de décider de se suicider, son malaise n’est que trop peu expliqué et ne nous atteint pas. Les frères ont dû tous les deux souffrir au long de leur vie, différemment vu leurs status totalement opposés, mais cela reste très abstrait. La seule rivalité sur laquelle a su insister le film est la course à la nage, symbole de l’aptitude innée en confrontation avec l’aptitude acquise, mais que s’est-il passé entre temps pour que les frères soient aussi distants ? Une question qui aurait certainement mérité un peu plus d’attention. La confrontation finale aurait pu être la clé, donner lieu à un échange très intéressant, mais elle s’arrête très rapidement, là où justement on commençait à accrocher.
Tout est bâclé trop précipitamment, trop de flous non éclaircis subsistent, le seul personnage au final qui a tenu ses promesses c’est peut être le médecin avec ses interventions justes. Même la relation amoureuse avec Irène (Uma Turman) n’est pas crédible pour un sou, on va directement vers le but souhaité avec bien trop de facilités. C’est donc sur un goût d’inachevé que finit l’histoire, trop placide pour parvenir à nous choquer, pas assez diversifiée pour parvenir à nous interpeler. Bienvenue à Gattaca est pour son époque un film avant-gardiste plaisant tout de même à regarder, sans aucun doute une bonne matière première pour un reboot, qui en sélectionnerait les meilleures parties pour nous sortir un chef d’oeuvre, cette fois-ci Valide !