L’histoire nous amène dans un futur proche où la société discrimine les personnes non plus par rapport à la couleur de leur peau ou à leurs origines sociales, mais par rapport à la qualité de leur patrimoine génétique : l'eugénisme est donc devenu banalité puisque tout le monde « choisit » son enfant en sélectionnant toutes ses caractéristiques (taille, poids, couleurs des cheveux, couleurs des yeux...) et en évitant tout problèmes futurs (maladies génétiques et mentales, comportements violents, prédisposition aux drogues...) ; bref on cherche absolument à concevoir des individus « parfaits » qui pourront exister au sein de cette société « idéale ». La notion de CV ou d’entretien n’existe plus : on se contente de vous faire un test sanguin ou un examen d’urine afin de voir si vous êtes « qualifié » pour le job. Au sein de l'institut de recherche spatiale Gattaca, Vincent Freeman a réussi à duper tout le monde car il a toujours rêvé de partir dans l'espace et compte bien y arriver coûte que coûte. Mais combien de temps va-t-il encore pouvoir caché son statut d' « impur » ?... Pour sa première réalisation (et son premier scénario !), Andrew Niccol nous propose une vision du futur qui fait peur et qui montre que l'intolérance peut malheureusement aller très loin. Cette intolérance est incarnée par cet eugénisme qui a fini par se démocratiser au point de devenir la norme sociétaire et que les caractéristiques génétiques ont désormais pris le pas sur toute forme d'émotion ou de compétence. Oui, car c'est bien cela le côté terrifiant au sens propre de "Bienvenue à Gattaca", c'est que le système a accepté cette situation : tout le monde joue le jeu, sans que cela ne leur pose de problèmes ou d'états d'âmes (regardez les parents du héros : le sang ne signifie plus rien, c'est absolument dingue !) Il faut bien admettre que tout cela est traitée d'une manière remarquable : si vous vous attardez sur l'environnement de cette société, vous verrez qu'on a l'impression d'être dans les années 70 (vêtements, coiffures, voitures, architecture des bâtiments de la ville), ce côté rétro renforce la vision de ce monde froid mais nous prouve aussi que même si la société est capable d'aller dans l'espace, si on peut travailler avec des ordinateurs puissants et si la médecine permet de faire ce que l'on veut ; l'être humain en lui-même n'a pas évolué, il fait du sur place. L'individualité est étouffée pour le bien d'une communauté totalement formatée. Au milieu de tout ça, on a le héros, Vincent, qui subi cette société depuis sa naissance et qui la refuse : il veut prouver qu'il vaut autant qu'une personne soi-disant « pure », porteur en lui d'une croyance d'une force qui va bien au delà de notre perception. Si la société pense que l'on peut enfermer, contenir et contrôler la nature, Vincent est la preuve vivante que rien n'est contrôlable, identifiable ou quantifiable : il est le grain de sable capable de bloquer l'engrenage. Si ce message type « Crois en toi et tu arriveras toujours à réaliser tes rêves ! » semble sortir d'une morale de dessin animé et pourra donc en rebuter plus d'un, il est pourtant totalement cohérent au sein d'un monde où plus personne ne pense par soi-même et suit aveuglement l'idéologie en place. Ce n'est pas pour rien que tout le film se concentre autour de la rivalité entre Vincent et son frère : ils représentent les deux faces de ce monde, le yin et le yang. Voilà, la grande force de "Bienvenue à Gattaca" c'est son scénario, alors si vous vous attendez à de l'action non-stop et des effets spéciaux à foison, vous vous êtes trompés de film ! Au niveau du casting, alors là il faut tirer notre chapeau au duo principal : Ethan Hawke et Jude Law sont tout simplement magistraux et prouvent à leurs détracteurs qu'ils sont autre chose que des belles gueules. Leur complicité est telle que l'on croit sans hésitation à cette relation ambigüe qu'entretiennent ces « faux jumeaux », à un tel point que la fin du film est une séquence chargée à 300% en émotions : poignante, terrible, mélancolique...et qui sublime le chemin qu'ils ont accompli, les sacrifices qu'ils ont enduré pour réussir leur quête interdite. Au niveau des seconds rôles, même s'ils sont assez discrets, on peut noter le jeu très sobre mais ô combien juste d’Uma Thurman en femme recherchant la perfection ainsi que la prestation subtile de Xander Berkeley, dont le personnage ne rélèvera sa véritable importance qu'au dernier acte du récit.
Avec "Bienvenue à Gattaca", Andrew Niccol dresse une virulente critique de l’eugénisme en nous dépeignant un monde sans violence apparente, parfaitement propre, mais dont la véritable violence apparaît par l'intermédiaire de la discrimination génétique. Cette vision du futur très pessimiste qui nous est proposé peut tout de même nous paraître terriblement proche, au point de nous interroger sur une telle société. Le film fascine aussi bien esthétiquement qu'intellectuellement, et va assez loin dans sa réflexion sur la nature humaine et notre comportement en société de façon très intelligente. C'est ce qui fait de "Bienvenue à Gattaca" une petite perle : tout simplement l'un des meilleurs d'anticipation jamais réalisés.