C’est du Robert Dhéry (en partie puisque le film est aussi réalisé par Pierre Tchernia). En disant ça, ça résume tout et sans aucun sarcasme : gentiment loufoque, naïvement espiègle, sympathique esprit de troupe, bref branquignolesque ! J’ai nettement préféré « La belle américaine » à « Ah ! les belles bacchantes». Louis de Funès retrouve, en frère jumeau, son rôle de commissaire qui sait admirablement imiter la poule ; du reste, j’ignore si c’est un clin d’oeil à « Ah ! les belles bacchantes », mais quand le commissaire enferme tout son petit monde dans sa prison, on entend les piaillements des poules agitées dans un poulailler sous le regard amusé dudit commissaire. « La belle américaine » est une automobile, un grand cabriolet rutilant. Ce signe extérieur de richesse est incompatible avec la condition ouvrière. Et pourtant, Marcel, ouvrier de son état, va l’acheter pour une poignée de miettes. Eh oui, on peut faire de bonnes affaires. Malheureusement, vu de l’observateur extérieur, il ne s’imagine pas que l’on peut être ouvrier et être au volant d’une voiture dit « de luxe ». On ne s’imagine pas que cette voiture peut exceptionnellement être à la portée d’une bourse modeste. Marcel sera victime de son acquisition puisqu’il sera licencié de son usine par un chef du personnel jaloux, mesquin comme sait si bien le jouer un certain Louis de Funès (eh oui, le fameux frère jumeau). Etre au volant d’une grande voiture américaine c’est forcément suspect et ne peut qu’attiser la jalousie de ceux qui vivent une vie modeste ou ouvrière. La voiture américaine c’est aussi une idée de l’Amérique, surtout en ce début des années 60. C’est moins vrai depuis quelques années, « une puissance factice » qui ne fait plus rêver. Alors, bien sûr, il y a des longueurs, des situations quelque peu douteuses comme notre voiture qui, sans chauffeur, traverse tranquillement une partie d’un quartier de Paris pour stopper sa route sur une péniche. Comme c’est une comédie loufoque, il n’y a rien d’étonnant. C’est nettement plus digeste que certaines comédies de notre temps comme le navrant « All inclusive » (ça fait du bien de taper un peu !). « La belle américaine » a indéniablement vieillie mais sur la photo elle a un certain charme, comme cette troupe d’acteurs qui l’entoure de Jacques Fabbri à Christian Marin, de Colette Brosset à Jacques Legras, en passant par ceux qui ne font que de brèves apparitions comme Michel Serrault, Jean Richard, Jean Carmet, Roger Pierre et Jean-Marc Thibault, Bernard Lavalette et l’inénarrable Pierre Dac.