En adaptant sa BD, Pascal Rabaté sort des sentiers battus. Tournant son premier long métrage dans une commune qui fleure bon la réalité provinciale et la douceur de vie angevine, s’égarant un instant dans les délires libertaires des communautés hippies coincées dans un Larzac de légende, ce réalisateur offre de nous narrer des vieux pour héros et d’évoquer sans détours leur sexualité. " C’est pas parce qu’on a passé l’âge de la gaudriole épicée qu’il faut faire maigre jusqu’au trou !".
Il faut rendre hommage aux acteurs qui, d’une façon très convaincante, nous interprètent, avec beaucoup de pudeur mais sans pudibonderie, des personnages dans lesquels plus d’un se reconnaîtront. Daniel Prévost, vouant une fidélité post-mortem à son épouse, est excellent avec sa naïveté mêlée de gaucherie quand il doit aborder les femmes. Philippe Nahon fait un truculent Edmond aux accents, un peu beauf, de Jean Gabin. Hélène Vincent, Lyse, Julie-Marie Parmentier, Léna et Bulle Ogier, Lucie sont trois actrices qui grandissent le rôle de la femme et sa place amoureuse.
Si le rythme n’est pas toujours présent, ce film transpire du bonheur de vivre et d'aimer, démontrant, s’il en était nécessaire, qu’il faut vivre dans le futur, seul présent qui compte et qu’il n'est jamais trop tard pour aimer. Alors, au long de son propos, le réalisateur nous décline les différentes vieillesses, les solitaires, les sportives, les déprimées, les joueuses, les copains, le souvenir nostalgique, la quête de l’âme sœur ou de la partenaire d’un jour. Qu’il y a du plaisir à être ensemble pour faire des activités communes, la pêche, la mise en bouteille pour la loterie, les jeux de boules et même les conneries. Toutes ces petites joies successives sont autant de rus apportant leur modeste débit pour grossir le fleuve de notre vie. Que la Vie mérite d’être vécue, simplement, en attendant d’elle que ce qu’elle peut nous donner, des joies simples, manger, boire, discuter, pêcher, se balader, danser, et plus si affinité. Car, même chez les vieux, l’Amour c’est beau ! Pascal Rabaté a le courage d’égrener les questions relatives à leur sexualité, sans détour ni complaisance. Oui, elle existe mais l’âge est-il une barrière ? Doit-elle être cachée, ou montrée ? Doit-on une fidélité absolue ? Quelles en sont ses limites ? Est-elle compatible avec une vie commune ? Jouant d’un onirisme jamais graveleux, jamais ridicule, ce film offre une image pleine d’optimisme sur la sexualité des séniors.
Souvent gai, quelquefois grivois, rarement pleurnichard même si la mort n'est jamais bien loin, ce film devient un hymne à la Vie, à l’Amour.
Michel Tellier