Déjà auteur de délicieux films comme "Les Enfants du Marais" ou "Dialogue avec mon jardinier", à ceux au goût plus amer comme "Un crime au paradis" ou "Effroyables Jardins", Jean Becker a toujours eu cette façon de faire, un brin démago, de représenter la France du terroir comme elle n'a jamais existé. Pourtant, j'aime ses films, j'aime cette façon de faire, cette poésie qui s'émane constamment. Sans être des chefs d'oeuvres non plus, le cinéma de Becker est simple dans la forme, mais extrêmement riche et dense dans le fond. "La Tête en friche" ne va pas dans le sens contraire de la règle. Il s'inscrit parfaitement dans l'univers du cinéaste français, à savoir l'action dans un petit village ou "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil", changeant radicalement de l'ambiance d'"Effroyables Jardins" ou la comédie cotoyait le cruel. Pas la peine d'être cruel dans "La Tête en friche", cela n'aurait apporté rien de bon. L'histoire est simple. Germain, proche de la cinquantaine, est quasi analphabète. Il partage son quotidien entre ses petits boulots, les verres entre copains au bistrot, et sa copine. Jusqu'au jour ou il fait la connaissance de Margueritte (avec deux "t" s'il vous plaît), une vieille femme vivant dans la culture des mots et des livres. Une forte amitié va naître entre les deux individus. Certes, comme dit plus haut, c'est simple, c'est dégoulinant de bons sentiments, mais Becker parvient toujours avec son style à effacer ce trop plein. Il est évident que les clichés sont là, avec le gosse maltraité par sa mère, "bouffeuse" de mecs et hystérique par exemple, mais l'histoire est tellement simple et belle que l'on s'y prend au jeu. Les dialogues signés Jean-Loup Dabadie se révèlent être d'une extrême finesse et rentrent parfaitement dans le cadre de ce nouveau monde fait de voyages, de découvertes par la puissance des mots dans lequel est projeté Germain, joué par un bon Gérard Depardieu, touchant et hilarant en analphabète un peu simplet mais au grand coeur. Jean Becker fait du Jean Becker avec "La Tête en friche" et reste fidèle à lui-même, ni plus ni moins, et ce n'est pas pour nous déplaire.