A l'origine d'un cinéma franchouillard, parcouru d'une humeur bon enfant (une partie de pétanque où les perdants doivent embrasser les fesses des vainqueurs; une épouse qui pisse dans la soupe de son mari qu'elle déteste...) et chantant les petits plaisirs de l'existence (le cassoulet, le jardinage, la gnôle, l'amitié, la pêche...), Jean Becker nous revient cette année avec La Tête en Friche, adapté d'un roman de Marie-Sabine Roger.
Il nous y raconte l'histoire de la rencontre entre Germain Chazes, illettré quadragénaire sympathique mais pas très futé et Margueritte - avec deux "t" - octogénaire et bibliophile invétérée. Au contact de cette vieille dame férue de lecture, Germain prendra peu à peu goût à la lecture, dont il avait gardé un souvenir traumatisant, à cause des heures de cours où il était la tête du turc du professeur et l'objet de toutes les moqueries lors de la récitation d'une tirade de Rodrigue dans Le Cid. A ses côtés, il découvre La Peste de Camus, La Promesse de l'Aube de Gary, Le Vieux qui lisait des romans d'amour de Sepulveda... Il finit même par lui faire la lecture, la vue de Margueritte étant altérée à cause d'une dégénérescence maculaire... Finalement, il en vient même à l'adopter et à la sortir d'une miteuse maison de retraite pour l'emmener chez lui.
Les détracteurs de Becker seront nombreux, et brandiront les mêmes reproche que d'habitude: surplus de bons sentiments, propos consensuel et politiquement correct. Parfois, avouons-le, on se voit forcé de leur donner raison. Et puis on peut aussi regretter des scènes de bistrot très caricaturales, et des flash-backs qui victimisent systématiquement Germain Chazes et sont insérées de façon très maladroite dans le récit...
Mais le film a le mérite d'aborder une question pertinente: Comment donner envie aux gens de lire? Et puis, La Tête en Friche séduit dans son rendu délicat, drôle et touchant de cette rencontre totalement improbable mais si charmante. Enfin, le duo de comédiens principaux est exemplaire: à côté d'une Gisèle Casadesus en Ersatz d'une Suzanne Flon pour qui le rôle était intialement prévu, Gérard Depardieu se montre ici d'une simplicité et d'une justesse époustouflantes. En prêtant à ce Germain Chazes sa bonhomie maladroite et son imposante corpulence, Depardieu ne fait jamais dans la caricature - apparemment il s'était reconnu dans ce personnage qui lui rappelait son propre passé d'autodidacte et son rapport difficile à l'école. Que ce soit dans les scènes dans lesquelles il prend progressivement goût à la lecture, celles dans lesquelles il se prend petit à petit d'affection pour Margueritte ou encore les scènes qu'il partage avec sa Sophie Guillemin avec laquelle il forme un couple très attachant, l'acteur transmet une bouleversante émotion...