La Tête en friche est un très joli film de Jean Becker, peut-être son plus réussi, même si je n’ai pas tout vu du réalisateur. Il signe ici un métrage d’une grande simplicité, mais qui réussit là où malheureusement le réalisateur a trop souvent échouer : il a de la force !
Celle-ci il la doit sans doute à son superbe casting. Le duo Depardieu-Casadesus fonctionne à merveille. Depardieu trouve un rôle très bien écrit, subtil, malin, et l’acteur lui donne beaucoup de relief, trouvant le ton juste, dans ce personnage qui manifestement lui parle. Très bon, il a donc pour partenaire Gisèle Casadesus, laquelle est non moins mémorable dans ce rôle de vieille dame qui lit et transmet ses bons enseignements à Depardieu. Un rôle simple mais touchant, et surtout interprété avec subtilité. Car oui, les deux personnages interprétés par n’importe qui auraient réellement pu virer à la grosse caricature qui tache ! Autour de ce duo des seconds rôles de qualité et qui, malgré des apparitions assez légères, parviennent toujours à retenir l’attention. Même si le duo principal occupe largement l’écran, Becker donne du volume aux autres personnages, et ça c’est très louable ! A noter l’idée audacieuse de faire de Sophie Guillemin la petite ami de Depardieu.
Le scénario est donc très simple au fond, il parle d’une rencontre. Pourtant, là où on aurait pu se retrouver avec un film gnangnan et mou, avec pour seul bonne chose son idée de départ, son concept, et bien on se retrouve avec un film touchant et profond, qui ne rate pas le coche. Alors certes, La Tête en friche n’évite pas quelques facilités et un côté un peu caricatural, mais c’est lié à son approche sur la tonalité du conte ou de la fable. Des genres eux-mêmes assez codifiés. Néanmoins, il y a de l’émotion, de l’humour, des dialogues d’une grande finesse, une narration très fluide, et c’est un film très accrocheur. C’est court, on se laisse porter, et ça donne un moment coloré et optimiste qui rend heureux ! C’est du quotidien, mais du quotidien saisit avec vitalité, fraicheur et plaisir, et ça fait du bien.
On ressent d’ailleurs que Becker s’accroche réellement à ce film. Sa mise en scène s’attache aux regards, aux attitudes des personnages, on sent qu’il se plait dans cet intimisme qui respire la vie, et on sent aussi qu’il aime ses acteurs ici. Inspiré, il tourne en plus beaucoup à l’extérieur, et le métrage bénéficie énormément de cette ambiance naturelle, avec une vraie perspective atmosphérique et des sons « parasites » non étouffés. On entendra ainsi à un moment donné le chant des oiseaux en fond. La photographie est très belle, les décors authentiques, et la musique, très discrète, est généralement utilisée à propos.
Pour ma part cette Tête en friche m’inspirait moyennement, et je me suis retrouvé face à un film d’une grande beauté et d’une grande simplicité, qu’on peut trouver un peu naïf, mais je préfère cela à la prétention. Car oui, l’un des écueils du film et qui est ici judicieusement évité c’était la prétention. On échappe au cliché intellectuello-bobo alors même que le film cite Camus, Supervielle ou Sepulveda, et c’est heureux. Ici on sent qu’ils sont là pour l’amour de la littérature, pas pour faire « intellectuel ».