Ah, les Tortues Ninja ! Tout adulte né dans les années 80 a forcément une petite émotion lorsqu’on évoque les "chevaliers d’écaille" dont le dessin animé et les jouets ont bercé l’enfance… et appréhendent d’autant plus toute nouvelle adaptation, surtout en film live. Il faut dire que, malgré leurs défauts, les trois films sortis dans les années 90 (enfin, surtout les deux premiers) ont contribué à rendre les quatre tortues monstrueusement cool avec leurs costumes tellement funs et leur humour pas si gamin que ça. C’est dire si l’idée de voir le producteur Michael Bay (devenu "Monsieur Transformers" à Hollywood depuis 10 ans) s’attaquer au mythe avait de quoi laisser dubitatif… surtout au vu du nouveau look arboré des Tortues ! Et, étonnement, cette révolution formelle est sans doute l’un des points positifs du film. En effet, ce n’est plus seulement la couleur des bandeaux qui différencie les quatre frangins mais toute une panoplie qui reflète leur personnalité. Le chef Leonardo est vêtu d’une armure de samouraï démontrant une certaine sagesse, le rebelle Raphaël est affublé d’une cagoule de gang qui lui donne l’air encore plus renfrogné, le rigolo Michelangelo ressemble à un surfeur immature et l’ingénieux Donatello est devenu un vrai geek avec lunettes et matériel high-tech. Ce parti-pris, qui aurait pu faire hurler les puristes, vient finalement dépoussiérer la saga. Il en est de même pour le choix de ne plus faire appel à des costumes mais à des images de synthèse (impeccables au passage)… choix tout simplement indispensable au vu des acrobaties réalisées et qui donnent, là encore, un sacré coup de vieux aux précédents films. On retrouve, pour autant, les éléments indissociables de l’univers des Tortues Ninja, à commencer par le repaire dans les égouts, le goût pour les pizzas ou encore le fameux cri "Cowabunga" (détourné lors d’un dialogue savoureux). Pour autant, certaines transformations ne m’ont pas autant emballées, à commencer par le nouveau look de Shredder, plus proche du robot increvable (et fongible !) que du maléfique chef de gang à l’aura terrible des premiers films (ou même du méchant un peu pathétique mais tellement humain des dessins animés) et, surtout, qui se voit, ici, privé du lien l’unissait à Splinter dans les adaptations précédentes, ce qui fait perdre beaucoup de densité à leur affrontement. Idem pour la réécriture de la naissance des héros (avec une énorme ficelle scénaristique concernant le rôle d’April) ou, plus anecdotique, la surexploitation de la queue de Splinter. Mais, force est de reconnaître que, dans l’ensemble, l’adaptation est, au moins sur le plan formel, une vraie réussite. Il manque, cependant, un peu de scènes plus "intimes" à ces Tortues pour qu’on s’attache totalement à elles. En effet, le rythme effréné du film et l’avalanche de séquences spectaculaires (dont une dantesque glissade en montagne) ne permet pas de développer les personnages souvent un peut trop limité à un seul trait de caractère (ce qui n’était pas les cas des deux premiers films). La volonté des scénaristes de placer la starlette Megan Fox (qui campe une April O’Neil au physique plus avantageux que ses qualités de journaliste) au centre de l’intrigue n’est pas non plus étrangère à ce problème. Le dernier tiers du film, qui voit les Tortues passer à l’action à la lumière du jour, permet, néanmoins, de rectifier un peu ce problème, tout comme l’omniprésence de l’humour dont les dialogues sont truffés. On s’étonnera même de la modernité de cet humour, avec des références au final de "Lost", aux vidéos de chatons sur Internet ou encore à la voix de Batman dans la trilogie "The Dark Knight" ! Le film est, également, conscient, du potentiel ridicule de ses héros de nos jours et jouen, ainsi, à fond, la carte du second degré et de l’autodérision (voir la présentation des Tortues qui reprennent chacune un mot du titre original ou encore les réaction du collègue d’April). On en oublierait presque le caractère assez prévisible du scénario (avec un traître aisément identifiable, des enjeux dramatiques attendus et un happy-end sans climax) et la forte ressemblance de la BO avec celle des derniers Marvel. Quant au casting humain, on retiendra un William Fichtner qui cachetonne gentiment en méchant homme d’affaires, un Will Arnett qui assure le rôle du comique de service avec un certain talent et un Megan Fox qui, à défaut d’être totalement convaincante, fait d’April O’Neil l’objet des fantasmes de Michelangelo (ce qui donne quelques séquences amusantes). Ce "Ninja Turtles" (je garderai pour moi ce que je pense de l’américanisation du titre) n’est, donc, pas un chef d’œuvre mais un divertissement spectaculaire et efficace, davantage fun qu’original, et qui donne envie d’en voir plus. Et c’est déjà pas mal !