Ces dernières années, avec Bong Joon-Ho et Martin Scorsese, Duncan Jones faisait partie de ces grands noms que Netflix était parvenu à attirer dans son giron pour mener au mieux son « offensive » dans le domaine du septième art. Une démarche qui a su efficace de la part du distributeur américain en ce qui me concerne puisque je fais partie de ces gens qui suivent de près l’activité du talentueux Duncan. Du coup, vous pensez bien : je me suis précipité pour le voir ce fameux « Mute »… C’est donc enthousiaste que je me suis rué dessus et que… Et que… Et que depuis je me pose beaucoup de questions à son sujet. En fait je ne comprends pas ce film. Ou pire, disons plutôt je ne comprends pas la démarche de l’auteur à travers ce film. Parce que bon, c’est d’une vacuité ! Alors la tragédie dans toute cette histoire, c’est que les dix premières minutes intriguent pas mal. C’est beau. Ça parle d’Amishs dans le futur. Et ça pose tout de suite le concept de mutisme. Je ne sais pas vous, mais moi, avec ça, j’ai déjà pas mal de choses qui fleurissent dans mon esprit. Forcément, l’association Amish / futur peut questionner notre rapport à la technologie. Idem, pour ce qui est du choix du mutisme – parce que c’est un choix ! (le héros pourrait se faire opérer une fois devenu adulte mais il ne le fait pas). Je me dis qu'un tel sujet ouvre pas mal de possibilités en termes de démarche formelle originale (L'idée que certaines choses peuvent se passer de mots, etc...) Bref, beaucoup de choses alléchantes pour au final n’avoir rien de tout ça ! Le film est long, très long, et plus il s’étire plus il abandonne ce qu’il a posé en introduction. Progressivement, le film s’enlise dans une intrigue très bas de gamme, incroyablement classique, incroyablement plate, et surtout animée par des personnages incroyablement simplistes. Au fond, Leo n’est qu’un amoureux transis qui cherche à retrouver sa nana ; Cactus n’est qu’un déserteur qui cherche à rentrer chez lui avec sa fille ; Duck n’est qu’un pédophile qui cherche à tripoter des petites filles… Basta. Rien de plus. Alors que ce soit plat, c’est une chose, mais ce qui est vraiment triste là-dedans c’est de constater à quel point tout ce déballage technique et scénaristique n’est au fond qu’un banal habillage « duncan-jonesque » qui ne dit rien et ne joue sur rien. Parce que bon, si on se risque un instant au jeu des comparaisons avec « Moon », dont l’auteur pose lui-même le film « Mute » comme une extension (quelques références explicites sont d’ailleurs faites), que retrouve-t-on comme différences singulières ?
Certes, dans « Moon » comme dans « Mute », le héros (Sam) n’est lui aussi motivé que par des ressorts assez basiques (retrouver sa femme et sa fille), mais pour le coup, l’univers de science-fiction dans lequel il est plongé n’est pas qu’un simple décorum superflu. C’est l’univers science-fictionnel qui est le centre d’intérêt dans « Moon », pas le personnage de Sam. Sam n’est là que pour révéler l’univers et pas l’inverse. L’intérêt de « Moon » ce n’est pas Sam qui recherche sa fille, c’est plutôt que Lunar Industries qui utilise des clones qu’elle nourrit de fausses promesses pour mieux les exploiter et les jeter à l’envie. C’est ce cynisme du monde moderne qui est le cœur du film. Pas Sam. Si on retire l’univers futuriste de « Moon », le propos ne peut plus se développer. Or, peut-on en dire autant en ce qui concerne « Mute » ? Bah moi je trouve que pas du tout. Est-ce que la même histoire pourrait, grosso modo, se passer dans le temps présent ? Pour ce qui est de l’histoire de la disparition de Naadirah et de sa recherche par Leo : oui. Pour l’exil de Cactus et de son envie de prendre sa fille avec lui : oui. Pour ce qui est du style de vie et des pratiques douteuses du personnage de Duck : oui. Pour ce qui est de la résolution finale qui amène Leo à tuer Cactus, puis Duck, puis à recueillir la fille de Naadirah : oui. Même pour cette histoire d’enfant muet qu’on pourrait opérer ça n’est pas si nécessaire que cela de nous plonger dans le futur ! Si le film avait posé dès le départ comme postulat que de telles opérations étaient possibles de nos jours, j’en aurais accepté le principe sans sourciller !
Le pire, c’est que ce genre de remarques et de questions ne se pose pas que pour la présence d'un univers futuriste. Que le personnage soit muet, au fond ça apporte quoi à la trame générale de l’histoire ? Que le personnage soit amish, au fond ça apporte quoi à la trame générale de l’histoire ? OK, ça peut justifier qu’il ne se soit pas fait opéré dans l’immédiat. Mais bon, tu remplaçais les « Amishs » par « les progrès de la médecine réalisés en vingt ans », et ça marchait strictement pareil ! Les questions sont tellement nombreuses pour tellement de choses concernant ce « Mute » que j’en suis même carrément venu à me poser la pire question qui soit pour un film. Cette question c’est : « Mais au fond, "Mute", il apporte quoi ? » Il y a quoi d’intéressant là-dedans ? C’était quoi le cœur du film ? C’était quoi sa démarche ? C’était quoi le propos ? Et c’est là que le constat pour moi devient triste. J’ai l’impression que ce film n’a été qu’un agrégat d’idées : un ensemble d’éléments qu’on a fusionné ensemble parce que séparément on pensait qu’ils pouvaient être sympas dans un film… La manière par laquelle ce film ressemble à un gros patchwork de scènes peu connectées entre elles confirme totalement cette idée là. L’utilisation même de la musique de Clint Mansell révèle aussi ce côté totalement aléatoire au service de rien de précis ! Ralalah ! J’ai beau faire le tour, mais à part quelques jolis plans (et encore : surtout au début) je ne vois strictement rien à sauver de ce « Mute »… C’est donc ça que fait Duncan Jones quand on lui laisse les mains libres ?! Eh bah moi, personnellement, ça me fait réévaluer considérablement l’influence qu’on suppose négative des producteurs sur le septième art… Bon alors après, ce n’est que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça… ;-)