"Within our gates" est un long-métrage à valeur documentaire. Il est le premier, ou du moins le plus ancien étant à notre disposition, à avoir été réalisé par un noir américain : Oscar Micheaux. De plus, le récit cherche à dépeindre la situation sociale des afro-américain dans un contexte contemporain du cinéaste, les années 20. L'importance de l'œuvre réside donc dans son statut de témoin d'une époque, mais absolument pas dans une quelconque force artistique.
Cependant, il faut admettre que Micheaux expérimente la forme, notamment le montage et la non-linéarité de la narration. Certaines tentatives sont des réussites, comme l'habile utilisation de flash-back, certaines scènes se déroulant en parallèle ou encore la répétition d'une même séquence, opposant la réalité et le mensonge, le tout avec beaucoup de fluidité. Malheureusement la narration est boursouflée, accumulant les sous-intrigues au fil d'un récit qui ne semble mener nul part, avec l'intention de traiter le plus grand nombre d'aspects sociaux et de thématiques possibles.
Ambition paradoxale lorsque l'on voit la naïveté avec laquelle le cinéaste traite ses personnages. Il aurait été facile de mettre en scène une opposition noirs/bons contre blancs/mauvais, et si le cinéaste parvient à éviter cet écueil, le résultat est tout aussi manichéen. Ainsi, les protagonistes (l'héroïne, la riche philanthrope etc) sont d'une candeur qui tend parfois vers l'absurde, là où les antagonistes (le voyou, la sudiste, Efrem) ne bénéficient d'aucune évolution. Micheaux sauve en partie cette maladresse par le personnage de Gridlestone qui, si il n'est pas vu comme bon, à au moins la décence d'être humain.
Une poignée de passages méritent tout de même d'être gardés en mémoire - les pendaisons, la discussion entre le prête et les blancs auxquels il obéit etc - car ces derniers osent traiter de front cette lutte raciale : à la fois froide, brutale et collective, mais surtout fratricide.
"Within our gates" est frustrant, car si l'archive historique est passionnante, l'œuvre de cinéma elle, est bien dispensable. Les ambitions formelles de Micheaux manquent de maitrise, mais permettent de conserver l'attention du spectateur, qui aura vite fait de se lasser d'un récit qui part dans ton les sens. Le cinéaste se perd, dans sa narration mais aussi dans la faiblesse de son écriture, et accouche d'un long-métrage étriqué, à la mise en scène qui expérimente, mais échoue aussi beaucoup.