Avec "Le Dernier Métro" François Truffaut signe le deuxième acte de la trilogie du spectacle, "La Nuit Américaine" déjà consacré au cinéma et un film sur le music hall jamais réalisé pour cause de son décès.
Le film raconte -en 1942 - l'histoire d'un metteur en scène juif ayant fui son théâtre et l'ayant confié à sa femme Marion. Mais en réalité il est caché dans une cave au sous sol d'où il suit les répétitions d'une pièce en train de se monter ou Marion donne la réplique à Bernard Granger, un séducteur et acteur talentueux.
"Le Dernier Métro" est essentiellement filmé dans un théâtre, ses coulisses, son administration… les scènes en dehors sont rares et il résume le quotidien pendant l'Occupation en étant très bien documenté sous forme d'une chronique fournissant des détails historiques sur cette période. La troupe est une sorte de fantôme, elle s'exile sur une scène, en dehors du monde extérieur, ou tout peut être dit, sauf qu'un homme les écoute au sous sol à des fins artistiques mais aussi de survie. Truffaut ne juge rien, son film parle du fascisme mais n'est pas un film engagé, au contraire il profite de son contexte pour la dissimulation. "Le Dernier Métro" se déroule majoritairement dans le noir, la nuit, rarement voir jamais on n'aperçois le jour, les personnages sont dans des cachettes, coulisses, cave… Ils dissimulent tous quelque chose. L'invisible théâtre Montmartre est un lieu hautement indigne et sombre. Mais là est le problème, dans ce théâtre il y a trop d'art, pas de vie, cet endroit est mort, tué par ce qu'il fait.
Tout tourne autour de Marion, la marraine voulant sauver son théâtre et l'oeuvre de son mari, comme lui dit le personnage de Gerard Depardieu il y a deux femmes en elle, l'une aime le fantôme de la cave, l'autre l'acteur en train de percer. Là est la beauté de l'héroïne, sa complexité fait son charme et son art et Truffaut qui va d'ailleurs faire un clin d'oeil a l'un de ses plus majestueux films oubliés "La Sirène du Mississippi" en citant la même réplique inoubliable . Dans un réalisme extrême elle va à la rencontre de ces personnes voulant la peau de son propre mari. Truffaut amène chaque détail à une grande authenticité, l'homosexualité est amenée avec tolérance, mêlant faits réels et personnages de fictions. Par exemple le personnage de Daxiat, un snob protagoniste de la vie théâtrale de l'époque, est calqué sur Alain Laubreaux journaliste/critique pour le journal fasciste Je Suis Partout qui pour s'être attaqué à Jean Cocteau a subit les foudres de Jean Marais, on peu voir cette épisode reconstitué quand l'on voit Bertrand se battre avec le journaliste qui avait critiqué Marion.
"Le Dernier Métro" est l'un des films de Truffaut qui aura traversé les âges, notamment pour les 10 prix qui aura raflé aux Césars mais surtout sa beauté, sa finesse et les émotions qu'il procure. Le monde est un théâtre où chacun doit jouer son rôle.