Alors qu’il existait déjà un certain nombre de versions, faire une nouvelle adaptation du roman d’Alexandre Dumas "Le Vicomte de Bragelonne" était un pari relativement risqué. Mais cela permettait aussi de mettre davantage de moyens en œuvre pour approcher encore un peu plus les écrits flamboyants de l’auteur. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça l’est, flamboyant ! Par les costumes et les décors. Quel plaisir de voir un film qui a été tourné dans un lieu qu’on connait, en l’occurrence le château de Vaux-le-Vicomte ! Et si je le sais, ce n’est pas parce que je l’ai su par les anecdotes de tournage glanées et révélées par le site Allociné, mais parce que j’y étais ! En effet, alors que mon petit bout de femme et moi-même étions partis visiter ce superbe château du XVIIème siècle sis en Seine-et-Marne, nous n’avions pu tout visiter en raison du tournage de ce film, en apprenant qu’un certain nombre de stars du cinéma étaient sur place, dont Leonardo Di Caprio et Gérard Depardieu. Dans les faits, nous n’avons rien vu, sécurité oblige ! à la fois pour les éminents acteurs, le bon déroulé du tournage, et le maintien des décors. Et pour le découvrir dans les meilleures conditions, je m’étais fermé à toute information relative à ce long métrage. Pour commencer, je ne m’attendais pas à voir autant de grands noms : en plus de Di Caprio et Depardieu, on va reconnaître Jeremy Irons, John Malkovich, Gabriel Byrne, Peter Sarsgaard, Judith Godrèche, Anne Parillaud et même Hugh Laurie qui se fera connaître plus tard sous les traits du Docteur House. A cela on rajoute le nom de Randall Wallace (scénariste du célèbre "Braveheart"), à la baguette, auteur de son seulement second scénario typé long métrage et de sa première réalisation. Dans tous les cas, "L'homme au masque de fer" a une saveur particulière pour moi dans le sens que j’ai enfin pu découvrir ce que nous n’avions pu visiter. Quels décors ! Quelles salles superbes ! Quel plaisir de découvrir les passages secrets, souvent tenus au secret quand ces lieux sont ouverts au public moyennant finances ! Et que ce monument est beau, de l’extérieur comme de l’extérieur ! C’est grand, c’est fastueux, et les costumes de la Cour n’ont rien à lui envier. On peut constater le soin qui a été apporté aux tenues vestimentaires. De la vraie orfèvrerie. Seulement voilà. Il y a un hic. Un hic qui m’a sauté aux yeux. Nous savons que le château date du XVIIème siècle. C’est-à-dire des années 1600. Or l’histoire est sensée se dérouler en 1660. Malheureusement, on voit que les pierres extérieures, en particulier au niveau des balustres (que nous voyons assez peu, en définitive) sont grisées par le temps et la pollution atmosphérique. Sinon en dehors de ça, le récit se suit très bien, sans véritable ennui. Ou presque. On notera quelques petites longueurs ici et là, la première étant lorsque l’homme au masque de fer se fait libérer de son carcan. La volonté de plonger le spectateur dans un tourbillon de sentiments est certes louable, mais c’est bien trop appuyé pour arriver à l’effet escompté. Heureusement, le spectateur peut compter sur l’immense expérience des acteurs. A commencer par Leonardo Di Caprio, qui a su jouer deux personnages complètement différents psychologiquement parlant. En effet, rien que dans l’expression du regard, le spectateur saura faire la différence au premier coup d’œil ! Franchement, je ne comprends pas le Razzie Award qu’il a récolté. Et ensuite le quatuor formé par les célèbres trois mousquetaires (alors retraités) et leur chef de file D’Artagnan. Quel plaisir là aussi de les retrouver, même s’ils ont vieilli et si Athos, Porthos et Aramis ont rangé leurs armes et leur uniforme si prestigieux. Après tout, les personnages imaginés par Alexandre Dumas ont bercé notre enfance à plus ou moins nous tous ! Mais malgré les stigmates du temps qui passent, ils n’ont rien perdu de leur superbe, notamment quand ils doivent en découdre. Et effectivement, on constate avec une satisfaction non feinte qu’ils avaient ça dans le sang. Que ce soit Athos, interprété par un John Malkovich particulièrement alerte ; que ce soit Aramis porté par un Jeremy Irons surprenant et qu’on mettra quelques secondes à reconnaître ; ou que ce soit Porthos, campé par un Gérard Depardieu des grands jours. Décidément, les costumes médiévaux lui vont bien et l'acteur excelle dans ce genre de rôle, et c’est encore le cas ici. Mieux, c’est par lui que l’humour a été intégré par ces facéties aux airs de fantasqueries pleinement assumées, et cela dès son entrée en scène, quelque peu fracassante. Il nous donne même un aperçu du corps qu’il va donner à Obélix dès l’année suivante, par son apparence physique et par l’envie irrépressible d’en découdre. Et il est vrai que le spectateur désire lui aussi de l’action, de l’aventure. Mais le tout est, si j’ose dire, gâché par un D’Artagnan résigné campé par un Gabriel Byrne qu’on pourrait considérer en dessous. En réalité, il sort un jeu juste en interprétant un personnage prisonnier d’un lourd secret. Rassurez-vous, de l’action, de l’aventure, on va en avoir. Il faut juste savoir attendre que les choses se décantent. Malheureusement, cela aura aussi le don de voir Randall à la double casquette de scénariste et réalisateur se faire prendre au piège, à l’image de nos bons chers héros. Pour s’en sortir, un tour de passe-passe incohérent au possible au cours de la charge finale. Cumulé à l’aspect gris des pierres de l’édifice et aux petites longueurs, voilà de quoi enlever un bon point à ce qui aurait pu être un chef-d’œuvre, lequel bénéficie d’une jolie photographie et d’une musique qui accompagne bien le tout sans être suffisamment transcendantale pour en garder un souvenir quelconque. Peu importe, l’impression d’avoir vu un bon film (en tout cas divertissant) est là, ce qui est déjà pas si mal, même si cette nouvelle version de "L’homme au masque de fer" n’est qu’une adaptation LIBRE du roman d’origine… et j’insiste sur les mots « adaptation libre » car tout est dans cette liberté prise par rapport à l’œuvre littéraire de base. Après tout, Alexandre Dumas réécrivait l'Histoire. Alors pourquoi pas Randall Wallace ?