Quentin Tarantino fait du cinéma bien à lui, et pour cela on ne peut critiquer sa faculté à créer. Pour ceux qui aiment son cinéma, "Jackie Brown" sera un excellent film de plus, bien qu’il soit moins tarantinesque que les autres, la faute sans doute à l’adaptation du roman d’Elmore Leonard, "Punch créole". A l’inverse, pour ceux qui n’apprécient guère son style, comme moi, ils en ressortiront mitigés. Avec Samuel L. Jackson, Robert De Niro, Bridget Fonda, Michael Keaton et Robert Forster, le casting fait rêver, le rôle-titre revenant à Pam Grier, impressionnante dans ce petit bout de femme à la classe folle qui parvient malgré les pressions de son mentor et des forces de police à tirer les ficelles. Moi qui ne parviens pas en général à accrocher au style singulier de Tarantino, c’est la première fois que j’ai été à peu près captivé. L’histoire est bien ficelée, pointue et précise. En un mot : tarabiscotée. Tout ce que j’aime en fait. J’ai noté pourtant quelques longueurs ici et là, comme le générique de début, où on voit cette hôtesse marcher, marcher, et encore marcher. Des séquences entières sont portées par des singles bien connus de tous, lesquels constituent en partie la bande originale. Je veux bien, mais de là à passer le titre entier… je considère cela comme inutile. Quant à Robert De Niro, il semble ailleurs. Là et pas là. Je parlais du scénario bien construit, mais j’ai noté une petite incohérence. Petite mais de taille, que je n’invente pas puisque j’ai visionné la scène deux fois.
Jackie Brown ramène le pactole dans son sac, cachant le plus gros sous un double fond improvisé de son sac, après avoir gagné la confiance des flics, et gardant seulement quelques liasses sur le dessus, dans une enveloppe. Les policiers vérifient, et marquent d’un feutre vert tous les billets dans leur coin supérieur à gauche, dans le 2ème zéro. Tous ? non, pas ceux qui étaient cachés dans la partie basse du sac bien sûr. Faut suivre, hein… Quand le complice récupère le magot escamoté, il feuillette rapidement une liasse. Eh bien chers amis lecteurs, certaines coupures dans le lot portent la même marque que celle que Ray avait faite plus tôt. C’est tout bonnement impossible puisque ces liasses sont passées au nez et à la barbe des deux flics. J’entends déjà certains dire que les billets devaient être précédemment marqués pour une raison X ou Y. Ok, soit. Quand les billets doivent l’être, chacun appose la marque qui lui est propre. Et puis de là à tomber sur la même couleur de feutre…
Quentin Tarantino est connu pour son souci du détail, et je ne comprends pas comment il a pu laisser passer ça. Bon, je ne vais pas en faire tout un plat, mais je trouve ça vraiment dommage car cette scène nous est exposée en triple narration (seule vraie originalité du film) qui est un peu dérangeante sur les premiers instants, tout du moins jusqu’à ce qu’on comprenne que le réalisateur nous expose les point de vue de chacun, comme si nous y étions. Le reste est bien maîtrisé, réussissant à nous faire prendre en sympathie Jackie Brown, alors que Samuel L. Jackson lui vole presque la vedette en portant un personnage aussi givré que baratineur. Les dialogues sont particulièrement ciselés, avec des monologues portant sur des sujets d’ordre existentiels, parfois colorés d’humour noir. Une chose est sûre, "Jackie Brown" n’est pas aussi violent que ce à quoi Tarantino nous avait habitués jusque-là.