Le film le plus doux, le plus posé, le plus lent de la filmographie du grand Tarantino. Sur les 2h30 qu'il dure, Jackie Brown peut s'appréhender dans son intégralité au premier degré, ce qui en fait une pièce clé au sein de l’œuvre de son réalisateur. Comme d'habitude, Tarantino réunit un casting incroyable et « cinématographiquement engagé ». Ici, il rend hommage à la blaxpoitation, il offre donc un premier rôle à Pam Grier dont la performance est incomparable. Tarantino espérait même qu'elle serait la première femme noire à gagner un oscar, et franchement elle le méritait. Robert Froster est également remis sur les rails, l'acteur étant connu des amateurs de séries B, il est bien sûr tombé dans l'oubli. Cette réhabilitation m'a fait penser à celle de Bella Lugosi, à titre posthume, dans Ed Wood de Tim Burton. Il semblerait que tout les comédiens ayant trempés dans la série B aient un destin inaltérable, quelque soit leur aura quand ils sont au sommet de leur carrière. Samuel L. Jackson, né pour le théâtre, se voit offrir un rôle de méchant grandiose, travaillé finement pour se révéler au fur et à mesure que progresse le film malgré son omniprésence. Prestation d'anthologie of course. Robert De Niro ne fait pas grand chose, ma foi, mais c'est dans la nature de son personnage. Avec peu de paroles il nous dessert un Louis mou, pathétique et hors circuit, et ce sans cabotinage donc tant mieux. Michael Keaton enfin...moi qui suis un fan absolu des deux Batman de Tim Burton, j'ai eu du mal à m'adapter. Rien à voir avec Christian Bale, qui peut glisser d'un rôle à l'autre sans trop déstabiliser le spectateur, Keaton EST Batman dans sa physionomie même. Mais son talent inné lui permet de s'en extirper, et à la fin du film il EST Nicolet Ray. Chapeau bas. Enfin il y a Bridget Fonda en « chieuse intégrale » pour citer une réplique du film, qui effectivement nous montre bien sa personnalité, évitant de tomber au rang de potiche de service...quoiqu'il n'y a jamais de personnages insignifiants avec Tarantino...même les serveuses ont une certaine importance ! (voir les bonus de la luxueuse édition collector de Jackie Brown). Trêve de bavardage, l'histoire n'est pas extravagante, ne propose pas de mélanges de genre aussi explicites que les autres Tarantino, le calme règne pendant une bonne partie du film...mais le suspense est bien présent, nous tenaillant, car la trame superbement écrite s'avère captivante, les dialogues toujours aussi longs et savoureux, et il y a, cerise sur le gâteau, un zeste d'amour sincère. Tarantino filme en se servant de travellings, de long et lents mouvements de caméra, puis emballe le tout dans une photographie ingénieuse. Une BO qui aligne des morceaux de choix achève d'en faire un grand film adorable, proche du cœur.