3sur5 Un beau jour, alors qu'elle faisait entendre sa voix depuis le réveil d'Hopkins, la Mort vient à la rencontre de ce dernier. Elle a des dehors fringants et inattendus ; la Mort s'est emparé du corps de Brad Pitt pour venir ici-bas délivrer son message. Le super PDG, un peu décontenancé mais pas ébranlé longtemps, accueille les événements de façon débonnaire, embauche l'Ange à ses côtés et ne lui refuse rien. Rencontre avec Joe Black est un film paradoxal. Ce qui heurte le plus, c'est le décalage entre l'originalité de son concept, à l'imaginaire fourni (et cela sans aucun effet de manche, spécial ou surnaturel) et la texture plutôt molle de son scénario. Très scolaire, l'écriture n'évite pas les clichés (le BG macho bienséant), les pièges de débutants, le ressassement d'évidences narratives du cinéma sentimental/''romantique'' [gros plan sur cette scène un peu aberrante sur la durée -lorsque les deux potentiels futurs amants se quittent- : je me retourne, tu te retourne, on se retourne...]. La question se pose : ces trois heures, c'était un impératif ou c'était la seule solution pour tout caser ; autrement dit, cause ou conséquence ? Parce que le film est terriblement bavard, jamais en vain, mais suffisamment pour faire douter le spectateur sur ses intentions et même sur le sens profond de cette bizarre épopée. Délibérément, l'ensemble oscille bientôt entre la chronique psychologique et la comédie ubuesque (aux portes du ridicule : Pitt habité par l'esprit du Oba quand surgit une mama désespérée), légère, pince-sans-rire et démonstrative (la Mort se comporte en Jacquouille hédoniste). On croyait d'abord tout cela un peu vague et futile, mais les auteurs ont eu de la suite dans les idées. Loin d'être donneur de leçons (accomplir le travail du deuil, etc. : c'est vite assimilé), Rencontre avec Joe Black se révèle comme une fable oedipienne constitué d'un triangle amoureux rationnel mais peu politiquement correct (sauf au premier degré) ; c'est comme si les non-dits des avatars des schémas traditionnels étaient investis (la jeune femme fragile, son père tout-puissant, le prince charmant offensif face à ce patriarche, autoritaire et sans complaisance devant le Monde, doux voir la maintenant dans un rapport ''incestueux'' pour sa fille). Afin de forcer le passage à l'âge adulte d'une petite fille attardée, la Mort met fin à l'emprise du père en lui apprenant à laisser la main. L'ensemble est un peu poussif dans la forme (ou prévisible, à l'instar des manipulations au sein de l'entreprise du père), mais d'une finesse certaine dans le fond. Les personnages sont à cet image : d'abord croqués avec une simplicité qui prêterait presque à sourire (notamment la-fille-en-mal-de-reconnaissance-à-cause-de-papa), ils délivrent leurs vérités cartes sur table. Rencontre avec Joe Black fait regarder une réalité douteuse et triviale, c'est pourtant un honnête divertissement qui ne choquera la sensibilité de personne (il inspire plutôt le bien-être et la connivence). L'équation était difficile, le programme inattendu.
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