Pour moi il y a eu La Grande vadrouille dans les années 60, Les aventures de Rabbi Jacob dans les années 70, La Chèvre dans les années 80 et enfin Le Dîner de cons dans les années 90. C'est dire si je porte haut dans mon coeur le film de Francis Veber qui est un de mes plus beaux souvenirs de cinéma où j'ai piqué plusieurs fous-rires. J'ai rarement vécu une expérience de ce genre au cinéma. Voir le public se plier littéralement en deux comme des blés couchés par le vent est une chose qu'on oublie pas. On a rarement vu dans le cinéma français une mécanique aussi implacable, huilée et surtout une maîtrise totale du texte et des acteurs en tous points parfaits. Le Dîner de cons c'est avant tout le visage en cinémascope, l'immense talent de Jacques Villeret qui trouvait alors le rôle de sa vie. "Son visage est aussi beau qu'un paysage" aime dire Francis Veber quand il évoque avec émotion son acteur. Il est impossible d'imaginer un autre acteur qui aurait capable d'accomplir ce que Villeret a créé 300 fois sur scène et donc dans cette adaptation cinématographique. Et Francis Veber aime ses acteurs même s'il possède une réputation de tyran sur les tournages. Il faut voir ce qu'il obtient de Thierry Lhermitte qui n'a jamais été aussi bon dans le rôle du beau salaud qu'est Brochant, véritable prédateur où l'oeil et les griffes deviennent acérées quand il se retrouve devant François Pignon. Il n'a d'ailleurs jamais retrouver ce talent depuis. Le reste de la distribution est tout aussi explosive : Francis Huster (qu'on attendait pas là), Daniel Prévost (mythique Lucien Cheval aussi culte que Pignon) et Catherine Frot sont hilarants et Alexandra Vandernoot apporte classe et charme. Veber enchaîne scène culte sur scène culte dont les dialogues et expressions sont passés instantanément dans le langage courant. L'impression de théâtre filmé ne dérange jamais, Veber jouant avec les gros plans et différents cadres. On peut le dire, Le Dîner de cons est un chef-d'oeuvre.