Avec ce film, l'un des plus célèbres des années 70, Boorman, l'homme des messages, celui qui voulait allier sa passion pour l'histoire, l'aventure, et les considérations philosophiques et morales, était à son zénith. Il y a tant de bonnes idées dans ce film, tant de scènes réussies, voir mythiques, que l'on ne peut s'empêcher de penser que cette réunion fortuite de talents relève d'une certaine alchimie propre au cinéma. Le scénario dabord, avec cette passionante descente de rapides entreprise comme un défi par quatre citadins plus où moins préparés(en fait, seul Burt Reynolds semble être dans son élément naturel). La confrontation entre ces citadins et les gens arriérés de la région est observée, dans un premier temps, par cet épisode trompeur mais révélateur de la célèbre scène du duo de banjos. Le regard de l'homme muet, qui observe les 4 amis descendre les rapides du haut d'un pont suspendu après cet épisode, en dit long sur le décalage complet entre ces deux "civilisations". Evidemment, la célèbre scène du viol, toujours choquante aujourd'hui par son caractère imprévisible et sadique, change complètement l'objet de ce voyage. Les citadins rigolards, amoureux de la nature, fiers à bras, sont devenus des bêtes traquées, des assassins, des victimes affolées. Les réactions seront diverses, mais le film arrive finalement au constat qu'à l'intérieur de chacun réside une part immorale et qu'à l'image du barrage qui va engloutir la vallée, tout se cache, même le pire. Que Boorman ait réussi à rendre cette épopée de la remise en question totale des préceptes "civilisés" aussi passionante s'explique notamment par le choix d'une distribution magistrale. Aujourd'hui encore, impossible de parler de Jon Voight, de Burt Reynolds, de Ned Beatty ou de Rony Cox sans évoquer ce film. Mes les vrais phénomènes ne sont ils pas ces montagnards dégénérés qui hantent encore, j'en suis sûr, plus d'une imagination ?