Dans la voluptueuse filmographie des frères Coen, The Big Lebowski se place tout de suite après l’énorme Fargo, cela démontrant pour moi que la fin des années 90 fût la période la plus glorieuse pour les frangins cinéastes et scénaristes. Oui, les tribulations du fumeux Duc, ou Dude, incarné par le formidable Jeff Bridges constituent un monument de cinéma, le film étant facilement classifié comme culte, un objet de divertissement, une comédie qui aura surpassé son concept pour prendre des allures de trip éphémère et inoubliable. Oui, les frères Coen se sont souvent approchés de la comédie au travers leur humour noir distinguable de toutes les autres, leurs amours pour la parole, les mimiques et le cocasse. Ici, nul place aux doutes, c’est d’un monument fantasmer et assumé par deux génies dont il s’agit.
Si les frères Coen en sont pour beaucoup, n’oublions pas de saluer la prestation légendaire de Jeff Bridges, dépenaillé, maladroit, drôle parfois à s’en plier en deux. Il y a aussi, et l’on ne peut passer à côté, le tonitruant John Goodman, ici colérique, sociopathe et d’une stupidité sans bornes, un être indissociable de la légende du duc, de l’abruti flémard de référence qui jongle avec malfaiteurs, bienfaiteurs pour se perdre dans son imagination alors que le monde autour de lui contemple sa bêtise, son obstination à créer lui-même les règles de tous jeux. Le duc est un alcoolique, un sacré clin d’œil au Russe blanc, le duc ne travaille pas, fume de la drogue, joue au Bowling avec un tandem de bras cassé, le duc est sans un sous. Oui, mais par-dessus tout, le duc est pris pour un autre, un autre Jeffrey Lebowski, lui milliardaire. Les ennuis commencent ici.
Alors qu’on relève quelques scènes relativement mal fichues, peu nombreuses, l’on pourra s’extasier devant bien d’autres, certaines frisant la perfection humoristique, de mise en scène. Jeff Bridges et John Goodman se lâchent complètement, tirent la grimace, gueulent, jurent, au travers d’un scénario qui n’est pas la force première du film, ça même les deux frères l’avouent. Oui, si l’histoire n’est pas exempte de défauts, de légèreté, le concept, les personnages et la coté décalé de l’œuvre en font un énorme poids lourd dans une collection de films, un incontournable américain en terme de comédie, d’humour noir, d’illustration de loosers patentés à l’écran. Bridges et Goodman signent tous deux leur plus emblématique apparitions télévisuelle, voués, là aussi tous deux, à trôner sur des produits dérivés, Shirts, tasse et cendriers.
Oui, le film aura dépassé l’écran, devenant un concept de mode, 1, 2, 5 ou 15 ans après. The Big Lebowski est un film de geeks en sommes, d’aficionados indétrônables qui défendent leur bébé devant une foule mitigée de détracteurs qui n’auront pas saisi, et qui ne saisissent toujours pas le travail des frères Coen. Le film ne plait certes pas à tout le monde, mais à la majorité, et ceux qui l’aiment en font leur idole. Un film, donc, qui ne laisse pas indifférent. Beaucoup esèrent maintenant revoir Jeff Bridges, John Goodman, Steve Buscemi, John Turturro et autres dans une suite, ce qui n’est pas à exclure et qui consisterai à un énorme évènement ciné. 18/20