Après un Hard Eight en demi-teinte, il était logique que je continue ma rétrospective du cinéma de Paul Thomas Anderson avec son deuxième film, le sulfureux Boogie Nights, à la fois intrigué par ce que le film semblait proposer mais aussi un peu inquiet quand à ce sur quoi on aurait pu tomber.
En effet, pour résumer, le film avait tout pour être casse gueule. Franchement, un film qui parle de l'ascension d'un acteur ... porno ... et des soucis qu'il va rencontrer en fréquentant ce milieu ... pendant 2 putains d'heures 30 ... Autant dire que le risque de tomber sur un film longuet, prévisible, chiant, vulgaire et bourré de clichés était quand même non négligeable. Il s'en sort pourtant de manière magistrale !
Le film ne tombe dans aucun de ces pièges, Anderson jouant avec eux en permanence, et parvenant à tirer profit du moindre obstacle qu'il rencontre. Boogie Nights est un film à la structure narrative d'un Scarface ou d'un Barry Lyndon (une ascension colossale suivie d'un violent déclin ... une structure qui marche quasiment à chaque fois sur moi et que j'adore !) passionnante et très fine, absolument pas vulgaire et au contraire de ce que le sujet de base pouvait laisser croire, très humain, qui se joue des clichés pour mieux mettre en avant la réalité. Il réussit aussi à échapper à l’écueil de la prévisibilité en évitant de tomber dans cette dernière autant que possible, et en arrivant malgré le fait que, dans un tel contexte, certaines grandes directions scénaristiques se devinent (en même temps, y’avait pas 36 manière de faire avancer l’intrigue) à rester passionnant de bout en bout et a tout de même conserver quelques beaux retournements de situation dans sa poche. Et puis, pour ceux qui comme moi ne connaissait rien à l’histoire de l’industrie pornographique des années 70-80, ça donne aussi au film un certain aspect documentaire qui le rend d’autant plus intéressant.
La vraie réussite du film réside sans doute dans l’universalité des innombrables sujets abordés qu’il arrive à atteindre au final en partant d’un univers si réduit et privé qu’est le monde de la pornographie des années 70-80. Car à travers cette industrie, ses règles, son évolution, ses réalités et ses risques, c’est au cinéma en général, voir parfois même au commun des mortels qu’Anderson touche, tant pas mal des aspects qu’il met en avant sont autant vraies dans d’autres milieux sur lesquels, contrairement au porno, ça ne choque personne (on notera d'ailleurs que le réalisateur n'émet aucun jugement vis à vis de l'activité de ses personnages, sans les défendre pour autant).
Non content d’être parfait sur un plan narratif, le film se paie aussi le luxe d’être un diamant sur le plan technique, avec une réalisation magnifique, une bande originale magnifique et un casting tout simplement parfait. Tellement parfait que même l’inutilité vis-à-vis de l’intrigue de certains personnages passe comme une lettre à la poste tant chacun d’entre eux sont parfaitement interprétés et utilisés (William H. Macy est magique, Wahlberg est parfait, Phillip Seymour Hoffman est culte en cadreur gay qui en pince pour Diggler, et Burt Reynolds est génial en réalisateur porno).
Le seul petit bémol que j’aurais à exprimer vis-à-vis du film (et encore, c'est vraiment très mineur vis à vis du résultat global) ce serait en fait la toute fin.
Je dois avouer que j’ai du mal à comprendre pleinement le pourquoi de ce happy ending, que je trouve assez en décalage avec le reste du film.
Bien sûr, je comprends qu’il n’est que partiel, puisqu’il montre que c’est un milieu qui emprisonne définitivement ses membres en son sein sans possibilité de pouvoir en sortir (surtout pour Dirk) autrement que par un coup de chance extraordinaire ou un miracle (le cas de Buck, qui même malgré ça, finit par y retourner d'ailleurs), mais au regard des événements de la fin du film, je trouve la manière dont tout se résout tout de même un peu trop rapide (voire facile sur certains points) …
C’est toujours mieux que la fin de Hard Eight car au moins ça conserve une vraie cohérence, mais je trouve la rupture de ton entre ce déclin et cette renaissance est bien trop abrupte et soudaine (et, dans le cas de cette dernière phase, bien trop courte et survolée) pour être pleinement efficace.
Mais bon, comme je l'ai dit plus haut, c'est tellement du détail qu'on excuse sans le moindre problème cet empressement final, qui ne ruine en rien tout ce qu'avait apporté le reste du film.
Bref, pour ce qui n'est seulement que son deuxième film, PTA nous livre un chef d'oeuvre très original et couillu, vraiment pas loin de la perfection. Un film impressionnant à voir absolument
Ma Note : 18/20