Toutes les fois que j'ai eu suffisamment de courage pour sortir du placard et dire aux autres que je n'avais pas encore vu Le Parrain, on m'a rit au nez. On me disait : "Ta vie n'a pas de sens si tu n'as pas vu ce film !", ou encore "Qui crois-tu tromper, toi qui te dis être cinéphile ?". Mais moi, de leur rétorquer que pour regarder un film de 3 heures, il faut trouver le temps, or cela n'est pas si simple, surtout lorsque aujourd'hui on en trouve surtout pour regarder des séries de plusieurs dizaines d'heures... Et puis, si l'on a pas vu ce genre de film étant plus jeune, il ne sert plus à rien de le voir maintenant. Dans tous les cas, on ne me prendra jamais au sérieux car je ne l'ai pas vu assez tôt. Alors j'ai retardé le moment où, acculé contre le mur de ma passion pour le cinéma, il m'a bien fallu me rendre à l'évidence. Un sentiment d'incomplétude m'envahit... Il était temps. Des films de Francis Ford Coppola, j'en ai vu un certain nombre, d'Apocalypse Now à Twixt, mais pas celui-ci. Quelle en est la raison? J'ai ma petite idée. Au fond de moi, je pense avoir attendu d'être prêt à comprendre le film avant de le voir. Je ne dis pas "comprendre l'histoire", cela j'en aurais été capable plus tôt, mais bien "comprendre le film", sa trame, ses enjeux, la construction de ses personnages passionnants et fouillés, ses décors, sa mythologie, sa légende,... Bref, comprendre le film. Or, il y a beaucoup de choses à comprendre. Il y en a tant que bien sûr, un seul visionnage n'y suffirait pas. En revanche, un visionnage suffira pour profiter de cette oeuvre complète, qui ne triche pas sur le temps dont elle a besoin pour dire tout ce qu'elle a à dire. L'ascension de Michael Corleone en Parrain de la pègre sicilienne est inattendue, alors même qu'il n'aurait pu en aller différemment. Son personnage est si éloigné de la réalité que vit sa famille que sa métamorphose n'en est finalement que plus crédible. De plus, bien des événements justifient son basculement moral,
de la tentative d'assassinat de son père au meurtre de son frère, de sa femme
,... C'est pourquoi le spectateur ne tombe pas des nues lorsque Michael dévoile sa part d'ombre, alors même qu'il jure devant Dieu de renoncer au diable et à ses œuvres à l'occasion de "son" baptême... Depuis que j'ai vu Le Parrain, je me sens mieux. J'assume désormais plus qui je suis : un amoureux du 7ème art. Je le revendique avec plus d'ardeur. Toutefois, je ne dois pas parler trop fort non plus, car de trop nombreuses films comme celui-ci manquent encore à ma culture... Il me tarde alors de les découvrir tous !