Grand classique du cinéma de gangsters et truands italiens de l'amérique des années de l'après guerre, j'ai pourtant entamé son visionnage sans le moindre a priori et la moindre attente. Un bon film en somme. Pour résumer brièvement, Coppola vous immerge dans le milieu des mafiosos à New York. Y co-existent plusieurs familles, chacune assignée à un district de New York où elles ont mainmise sur l'activité de la pègre, dans un climat de tension clanique et de conflits d'intérêt. Protecteur, patriarche, homme d'honneur pour certains, vil truand, hors la loi, bandit pour d'autres, le parrain est le nom donné au chef de file de la famille Corleone, une figure révélant les multiples facettes du banditisme. Ne vous attendez pas à des personnages froids et sans coeur jouant des faiblesses d'un système institutionnel qui se veut honnête. On y découvre, pour les novices comme moi, la déontologie de la profession criminelle: l'engagement inaliénable d'une promesse, le refus des bains de sang inutiles, la valeur éminente des liens de sang, l'omerta, la défense des honneurs d'une famille, la juste réciprocité des peines par la nécessité de la vengeance. Le parrain, tel qu'il apparaît dans le premier opus de la triologie de Coppola, révèle une humanité détonnante par le rôle de protecteur relativement pacifiste qu'il revêt. L'élément déclencheur de l'intrigue débute sur une tentative d'assasinat échouée du parrain, perpétrée par une famille adverse, alors que ce dernier refuse catégoriquement de s'ouvrir au trafic de stupéfiants émergent pour quelconque raison de probité morale. Son fils, Michael (interprété par le bientôt célébrissime Al Capone), pourtant resté en retrait de l'activité familiale dont il essayait de s'éloigner, décide de le venger en tuant le chef de file de la famille meurtrière avant de s'exiler en Sicile pour se faire oublier. A partir de cet instant, nous suivons son ascension dans le milieu de la pègre et son adhésion progressive aux valeurs d'un univers qu'il méprisait tant.
Le rythme du film pourra vous sembler un peu lent alors que nous sommes habitués aujourd'hui à des films plus économes en temps. A bien des égards, Le Parrain me rappelle le format d'une série télévisée dans la mesure où il se déroule sur le temps long (plusieurs dizaine d'années) et met en scène une multitude de parcours de vie différents dans la famille Corleone. Le personnage principal; Michael Corleone, est révélé au fur et à mesure sans que cela ne soit évident au début du film. L'ambiance de la mafia sicilienne en Amérique est reproduite à merveille, sans éléments superflus, et l'intrigue étonne par son réalisme et son déroulement non linéaire. Pas d'effusion de sang inutile et pourtant le réalisateur ne lésine pas sur la cruauté des règlements de compte. Pas d'hyperboles dans la représentation de l'univers mafieux. Pas de personnage complètement déglingué en soif de violence. En revanche, on y trouve des esprits calculateurs, rationnel, où la stratégie prévaut sur les actions pulsionnelles. Le jeu d'acteur est très bon, c'est indéniable. Pourtant, je dois l'avouer, il m'a fallu un certain temps avant d'entrer pleinement dans l'atmosphère du film. Le monde féminin y est clairement en retrait, cantonné à des rôles très secondaires. La prééminence d'un jeu de conflits d'intérêt plutôt que d'actions franches m'évoquait 2h30 de visionnage relativement ennuyeux; mais le reste du film m'a plutôt convaincue.