Milieu du film. Plan fixe. Diane Keaton et Woddy Allen assis sur un banc. Leur corps en ombres chinoises. L'aube se pointant, traversant les arbres, remplaçant la nuit. Cette même nuit bombardée de feux d'artifices au dessus des gratte-ciel, paraissant à la fois tomber des étoiles et surgir de la terre. On est bien à New York. « Il adorait New York », nous dit le narrateur. Pour lui, qu'est-ce que c'est ? Un rêve, un fantasme en noir et blanc. Ou l'on contemple le gris étincelant de ses buildings, de ses paysages, de ses nuages, de son ciel.
Dans ce film génial qui essaime à tout vent, Woody Allen est partout. Il filme, fait l'acteur, et parle surtout. Parle, petite silhouette bondissante ou écrasée, radote, critique, sans s'arrêter, cause ciné, sexo, culture donc... Il nous touche, le Woody, et Manhattan, il en fait son miel. Lieu incontournable et imposant où se dessine un immense art de vivre, nœud des rencontres, des amitiés, des amours. On y marche, tête baissée, et on s'y bouscule. On s'y retrouve. Tant de choses qui se passent, dans des vies si monotones...
Allen conçoit, en plans fixes, caméra statique, une véritable galerie de photos inoubliables. Et des situations, mémorables, où les répliques fusent, de partout à la fois, drôles, fines et intelligentes. Des références, jusqu'à Bergman où Van Gogh, ces gens qu'il admire, qui l'inspirent. Logique, puisqu'il s'y raconte un peu, voir beaucoup. De ses gros yeux, il caresse sa ville, et de sa fine bouche, il en fait l'éloge. L'hommage. Achevant à lui tout seul de créer la magie. L'enchantement d'un chef d’œuvre mélancolique, et mieux encore : enrobé d'un ruban pailleté scintillant, le plus passionné des cadeaux qu'un cinéaste aura pu nous offrir. 18/20.