En 1985, Steven Spielberg créa la polémique en réalisant La Couleur Pourpre. Ou plutôt choqua les critiques : le fait qu’un homme blanc et juif comme lui s’occupant de l’adaptation d’un romain écrit par une Noire traitant de la population noire aux Etats-Unis fut jugé anormal. Encore à l’époque, il en fallait peu pour dire des conneries de taille ! Car si Spielberg s’est pourtant attardé sur un sujet qui lui est « propre » avec La Liste de Schindler, le cinéaste revient à la charge en livrant Amistad. Film traitant du sort d’esclaves africains qui se sont révoltés contre leurs « propriétaires » pour retrouver leur liberté.
En voyant ce film, on peut déjà remarquer à quel point l’idée de faire un film sur l’abolition de l’esclavage trotte dans la tête de Spielberg. À quel le bonhomme désire mettre à l’écran cette époque où un personnage historique, Abraham Lincoln, qui permit de changer la face de l’humanité. Et Amistad, nous pouvons donc voir que ce cher Steven avait déjà ses repères pour nous livrer son film sur le 16ème Président des Etats-Unis (il faudra attendre 2012 pour le voir). Que le cinéaste expérimentait son cinéma pour faire le film adéquat. Car, d’un certain point de vue, Amistad et Lincoln se ressemblent. Notamment du côté de la construction scénaristique : tout un déballage de dialogues et de séquences de tribunal pour mettre en avant le sujet de l’abolition. Pour certains, cela peut sembler soporifique au possible, pour d’autres bougrement intéressant à suivre. Seulement, Amistad ne se montre pas aussi maîtrisé que Lincoln.
D’abord au niveau du casting. Si Spielberg s’est entouré de grands noms (Morgan Freeman, Anthony Hopkins, Djimon Hounsou, Matthew McConaughey, Pete Postlethwaite ou encore Stellan Skarsgård) se montre d’une très grande inégalité. Pas au niveau de l’interprétation mais plutôt de l’exploitation de la distribution. Si le personnage de Cinque (joué par Hounsou) et le protagoniste principal de l’histoire, l’acteur n’est pourtant pas classé parmi les têtes d’affiche. Ces places étant données au final à Freeman et Hopkins qui, pourtant, n’apparaissent à l’écran tels des seconds rôles sans importance (pour ne pas dire figurant). Et c’est cela le gros problème du casting : tant de personnages pas vraiment développés qui ne sont là que pour faire joli et avoir juste un avis sur l’abolition… Aucun personnage à qui s’attacher (à part Cinque), aucun acteur à réellement contempler. On est bien loin de l’affiche de Lincoln (qui met en avant Daniel Day-Lewis, Tommy Lee Jones et d’autres) !
Autres défauts : la mise en scène ! Très dur de dire ça de Spielberg (quoiqu’il s’était déjà ramassé sur Always). Mais avec Amistad, le réalisateur semble ne livrer que le brouillon d’un grand film (sur ce point, j’y reviendrai plus tard). Et pour cause, l’intégralité des scènes se suivent sans réelle transition. Ajoutez à cela une musique vraiment envahissante par moment (j’y reviendrai aussi) et des personnages peu intéressants, il y a de quoi empêcher de se plonger dans un film au sujet pourtant fort passionnant !
Et c’est vraiment dommage car Amistad avait de quoi se montrer à la hauteur ! À commencer par la détermination de Spielberg à imposer son regard sur l’esclavage. Et pour cela, le cinéaste mise tout sur les séquences avec Cinque et ses compagnons pour nous prendre aux tripes. Insistant sur la violence de la mutinerie montée au début du film. La musique de John Williams certes envahissante mais prenante (la magnifique partition Dry Your Tears, Afrika). Des séquences du violence parfois extrême (la noyade des esclaves, jetés à l’eau, enchaînés, pour éviter une pénurie de provisions). Les nombreux monologues des personnages principaux, dont celui d’Hopkins au tribunal, sur l’abolition. Les moments de communication entre Cinque et Baldwin (McConaughey). Et puis un certain humour qui allège le tout (Baldwin tentant de communiquer avec des esclaves alors que ces derniers se moquent de lui dans leur langue).
Oui, Amistad aurait pu être un excellent film. Malheureusement, l’ensemble se montre bien trop brouillon, voire incomplet. Et du coup, il est très difficile de se passionner, malgré un très grand travail effectué sur le sujet. Si vous voulez voir un semblant d’Amistad abouti, reportez-vous sur Lincoln, film bien plus imposant et réussi ! Attention, Amistad n’est pas un film loupé ! La note attribuée est largement méritée ! Mais avec ses défauts, le film a de quoi frustrer quelque part…