Réalisé par un maître du box-office déconsidéré par la critique (mais en voie de réhabilitation grâce aux membres de la Nouvelle Vague française), à savoir le génial Alfred Hitchcock, Psychose est un film offrant de nombreux éléments incroyables pour l’époque.
Ainsi, à une période où le code Hays est encore en vigueur, le réalisateur anglais ose montrer un couple sortant d’une scène d’amour sur un lit deux places, une actrice en soutien-gorge et, pour la première fois dans le cinéma américain (au moins depuis de très nombreuses années) des toilettes (dont la chasse d’eau est activée qui plus est). De plus, le film fait preuve d’une violence inédite et d’une thématique nouvelle à l’époque, qui sera depuis plusieurs fois réutilisée
(le dédoublement de personnalité)
, et est tiré d’un roman de Robert Bloch s’inspirant d’un événement qui avait traumatisé les Etats-Unis quelques années plus tôt
(l’affaire Ed Gein)
.
Mais, surtout, c’est par sa structure que le film révolutionne totalement la narration hollywoodienne.
En effet, le Maître du suspense ose tuer sa star (Janet Leigh) un peu avant la moitié du film au cours d’une séquence dont le découpage et la violence créée par celui-ci (alors qu’aucun plan ne l’est réellement) ont marqué définitivement l’Histoire du cinéma. Dès lors, le spectateur comprend que tout peut arriver dans le récit et est terrifié.
En outre, Hitchcock était très fier, et à juste raison, que la peur ressentie par le spectateur venait en partie de l’aspect purement cinématographique de l’ensemble. En effet, le cinéaste, sachant que son sujet était risqué, choisit de tourner son film avec les méthodes de la télévision appliquée sur sa série Alfred Hitchcock présente. Ainsi, alors qu’il avait prouvé qu’il maîtrisait parfaitement la couleur depuis de nombreux films, il choisit de revenir au noir et blanc. Ce choix lui permet d’effectuer un incroyable travail d’éclairage. De même, les plans bénéficient chacun d’une composition magnifique et d’un incroyable travail de montage de George Tomasini
(c’est notamment grâce à celui-ci que la séquence de la douche est devenu une des plus marquante de l’Histoire du cinéma au point d’avoir été de nombreuses fois réinterprétées par d'autres réalisateurs dont le plus évident est Brian De Palma)
.
De plus, au génie du Maître du suspense s’ajoute celui d’un des plus grands compositeurs du 7ème art : Bernard Herrmann. Dès la première note du générique, ce dernier arrive à créer l’effroi chez le spectateur. La bande originale du film est en effet une des plus grandes de tous les temps et peut-être la plus effrayante tout court. Hitchcock reconnaîtra d’ailleurs la puissance de celle-ci
puisqu’il décida d’utiliser la musique qu’Herrmann avait composée à son insu pour la scène de la douche alors qu’il pensait n’en utiliser aucune à la base (idée qu’il appliquera finalement dans Le Rideau déchiré)
.
En outre, au génie visuel et technique du film s’ajoute une interprétation parfaite. Bien que le réalisateur aimait prétendre qu’il accordait peu de cas au jeu des acteurs, il offre d’excellentes prestations de tous les acteurs (Vera Miles, John Gavin, Martin Balsam ou encore sa fille Patricia Hitchcock) qui sont malgré tout très nettement dominés par une Janet Leigh parfaite en fugitive angoissée et surtout un Anthony Perkins totalement habité par le rôle de Norman Bates au point d’y être inévitablement renvoyé tout le reste de sa carrière et de devenir un des personnages les plus célèbres du 7ème art.
Sommet du genre, Psychose n’est donc pas qu’un des meilleurs films à suspense mais un des plus grands films de son réalisateur, voire le plus grand, et de l’Histoire du cinéma. Ce n’est pas pour rien que ce film est le plus gros succès commercial du cinéaste (alors que le budget était peu élevé) et un des rares Hitchcock (avec Les Oiseaux) à avoir connu des suites (2 films, 2 téléfilms et une série télévisée) ainsi qu’un remake plan par plan cette fois en couleur, réalisé par Gus Van Sant. Un chef-d’œuvre absolu regorgeant d’idées qu’on revoit indéfiniment sans se lasser.