Psychose a laissé un héritage indéniable au monde du cinéma, marqué par la patte du maître Alfred Hitchcock. Plus qu'un film, ce long métrage s'impose comme le premier film véritablement horrifique du maître du suspense. Il est donc difficile d'en établir une critique objective, dans le sens où Psychose transporte le spectateur dans un monde nouveau, qui ne perd aucunement de sa superbe à travers le temps. Ce thriller horrifique date de 1960, et pourtant l'histoire prend aux tripes cinquante ans après : cela peut s'expliquer par le fait qu'Hitchcock n'a pas simplement créé un film ; il a totalement bouleversé le septième art de son unique génie, c'est donc tout sauf une surprise si Psychose nous captive toujours aujourd'hui grâce à sa réalisation novatrice. Le cinéma pur dont parle Hitchcock est ici en mis en exergue : les images parlent d'elles-mêmes et ne nécessitent pas l'usage de la parole pour captiver le spectateur, comme en témoigne la scène culte de la douche qui nécessita sept jours de tournage. Psychose se veut comme un véritable coup de maître, un défi que se lance Hitchcock pour repousser ses propres limites. Outre l'image, le son est ici utilisé pour transmettre un sentiment d'angoisse prédominant qui plonge le public dans le désarroi. La musique repose sur un homme, à savoir Bernard Herrmann : il semble indispensable de souligner le travail fondamental de ce compositeur, qui s'appuie exclusivement sur des instruments à corde pour transmettre le sentiment de tension inhérent à cette oeuvre. Les violons stridents présents dans les scènes les plus emblématiques achèvent de placer le public dans un état de constante oppression. Hitchcock joue avec le spectateur tel un marionnettiste, à travers une réalisation brillante mais aussi à l'aide d'un casting phénoménal. En effet, les acteurs choisis pour ce film utilisent avec brio le scénario pour transmettre un message percutant : Hitchcock choisit délibérément de privilégier Janet Leigh et surtout Anthony Perkins pour mettre en avant la psychose en tant que telle au long de l'intrigue ; ces personnages pourtant fort éloignés dans leurs rôles respectifs, se ressemblent et se retrouvent dans le thème de dualité
(alors que Marion Crane change de personnalité après sa décision de détourner de l'argent, Norman Bates ne parvient pas à se détacher du personnage maternel, qui le possède littéralement)
. Perkins est époustouflant de justesse dans son rôle de gérant de motel dérangé, il apporte une nouvelle dimension au film à travers sa propre psyché. Pourtant, il ne faudrait pas négliger les prestations fondamentales de John Gavin et Vera Miles, dans les rôles respectifs de l'amant et de la soeur de Marion Crane : cette dernière, star hollywoodienne de l'époque, parvient à nous transcender à partir d'un personnage purement secondaire. On remarque également la performance de Martin Balsam dans le rôle du détective qui révèle un pessimisme certain vis-à-vis de la nature humaine ; sa rencontre avec Perkins lors de l'entretien au motel constitue une confrontation culte entre deux acteurs au sommet de leur art. Les acteurs apportent du relief à un film qui en est en tout point dépendant, comme le souligne l'intervention justifiée du psychiatre à la fin du long métrage. Tous ces éléments, que ce soient l'image d'Hitchcock, la musique d'Herrmann ainsi que les acteurs, absolument brillants, font de Psychose un chef d'oeuvre du septième art, ni plus ni moins. Hitchcock doit par ailleurs échapper au piège de la censure, qui reflète l'état d'esprit du public américain des années 60 : le réalisateur prend des risques à travers des scènes de romance mais aussi à travers la scène de la douche. Il suffit de rajouter la complicité malsaine entre Norman Bates et sa mère pour comprendre que le film d'Hitchcock aurait pu ne jamais voir le jour sur grand écran, ce qui rend son entreprise d'autant plus admirable. Ce qui frappe le plus est donc la volonté du maître du suspense de réaliser un film pour le seul plaisir du spectateur, une tentative parfaitement réussie dans Psychose. Le réalisateur déclarait d'ailleurs, à propos de ses films : "J'aime jouer avec le public comme on joue du piano". Cette déclaration emblématique résume à elle seule le film dont il est question, un coup de maître, tout simplement.