Trois ans après le succès de ''La leçon de piano'' (Palme d'or à Cannes), l'australienne Jane Campion adapte le volumineux roman d'Henry James ''Portrait de femme''.
L'intrigue se déroule dans les années 1870. Isabel Archer (Nicole Kidman) une jeune femme américaine qui revendique son libre-arbitre reçoit, à la mort de son oncle, une véritable fortune. Courtisée par de nombreux hommes, Isabel décline toutes les propositions. Un jour, lors d'un voyage à Florence, elle rencontre Gilbert Osmond (John Malkovich) qu'elle croit aimer.
Curieux de voir à quel point le titre du livre d'Henry James est le plus apte à définir l'oeuvre toute entière de Janes Campion. Des portraits de femmes, Jane Campion ne cesse d'en faire, au cinéma comme à la télévision (''Top of the lake''). Ici, elle se penche sur une bien surprenante femme. Cette Isabel Archer a en effet une personnalité paradoxale. C'est une femme libérée qui semble dans un premier temps s'émanciper de cette société victorienne (le début du film se situant en Angleterre) en réfutant toute emprise masculine, qui pourrait s'incarner dans un mariage. Nous sommes donc face à une femme très intelligente et déjà féministe. Pourtant, et c'est l'élément le plus passionnant du film, elle finit par se marier avec un être éminemment malfaisant sans se rendre compte du caractère maléfique d'Osmond. Pourquoi ? Qu'est-ce qui l'a poussée à faire ainsi ? Jane Campion film l'échec de cette femme avec un très grand raffinement, celui qu'on lui connait. Ainsi, on observe avec délectation la beauté des décors, des costumes et les nuances de couleur allant du gris (pour cette Angleterre victorienne et puritaine) au jaune/vert pour Florence et ses jardins). Par moment, Jane Campion flirte avec le style de James Ivory, celui de ''Chambre avec vue'' (1986). Elégance et beauté caractérisent la réalisation toujours très léchée, parfois même un peu trop : il arrive que Campion abuse de mouvements de caméra inutilement alambiqués.
Tout est donc impeccable. Réalisation, scénario, photographie, acteurs... pourtant comment expliquer le fait qu'on ne soit jamais ému, où, du moins, pas autant qu'on ne devrait l'être. C'est de nouveau à la réalisation de Jane Campion qu'on revient : tout est d'une (trop) grande beauté, ce qui finit par figer l'oeuvre . Cette glaciation caractérise l'oeuvre de Campion même dans les scènes dites ''brûlantes'' (dont ''La leçon de piano'' est le parfait exemple). C'est l'un des travers du film à costume : la belle image peut finir par se retourner contre son sujet en privant le spectateur de toute émotion possible. Ici, l'indifférence opère à moitié. A moitié seulement car le duo d'acteurs vient heureusement contredire l'académisme dans lequel pouvait tomber le film. Malkovich insuffle son élégante perversité à un personnage pourtant bien chargé. Dans sa relation avec Mme Merle, une ''amie'' d'Isabel, il rappelle forcément le Valmont qu'il fut dans le film de Stephen Frears, ''Les liaisons dangereuses'' (1988), le charme en moins. Et puis il y a Nicole Kidman. Même la rigueur glaciale de la mise en scène ne parvient pas à atténuer son éclat flamboyant qui illumine l'ensemble du film. Dès lors, on peut tout-à-fait ne regarder le film que pour l'actrice.
A force de tout enrober de joliesse et de coquetteries, Jane Campion tue une grande partie de l'émotion. Néanmoins, l'admiration que l'on a pour la direction artistique peut être un motif suffisant pour voir le film. De toute façon, il restera toujours le talent des acteurs principaux pour porter ce nouveau ''Portrait de femme'' de Jane Campion.