Violent Cop, premier film de Takeshi Kitano est l'étrange naissance d'un réalisateur étrange, qui a pris les commandes du projet après le désistement de Kinji Fukasaku sans la moindre notion de mise en scène. Beat Takeshi, animateur télé et humoriste auquel personne n'a longtemps cru au Japon, avait pourtant des choses à dire et à montrer. De son style, déjà en place avec Violent Cop, il a tiré quelques grands films, de vrais moments de beauté pure, lavée par son univers violent et sa mélancolie des règles morales qui la rendent parfois convenue. Même si je n'ai vu de ses films les plus plébiscités que Hana-Bi et Sonatine, et que je trouve le premier inégal, le second était une vraie petite claque, et me restera durablement en tête. Le problème, pour ce coup d'essai, c'est que tout demeure quelque peu à l'état de prototype pendant une bonne heure de pellicule. Les personnages léthargiques souvent résignés à subir, l'humour grinçant, la caméra si peu mobile qu'on la dirait récalcitrante et entraînée malgré elle par le mouvement du film, la musique synthétique, et même la présence symbolique de la mer : tout est déjà là, mais trop dissous pour générer une véritable emprise. Résultat, Violent Cop ressemble pendant un bon moment à un policier certes anti-académique mais loin d'être renversant, et même légèrement longuet sur les bords. Heureusement, Kitano sauve son film par un déballage final où ses obsessions se mettent davantage en place. Ses montées de violence tout d'abord, dont les personnages ne cherchent pas à se protéger, comme si pour vaincre l'adversaire il fallait davantage encaisser ses balles que chercher à lui en loger une dans la tête. Toujours cette impression de marche forcée, d'avancée insensée vers l'autodestruction dans un système ou les règles gouvernent d'une main de maître, pas les règles morales que le personnage de Kitano contourne si aisément, mais bien les règles immuables de la mort. Déjà aussi la sensation qu'il est impossible de vivre pleinement, à travers le personnage de la sœur frigide, puis ce côté dérisoire et inconséquent que Kitano donne sans cesse à ses plans, ce refus d'appuyer quoi que ce soit. Dommage que Joe Hisaishi n'ait pas déjà été de la partie, et que Violent Cop mette si longtemps à se lancer. Son final signait quand même déjà la naissance d'un réalisateur majeur des années 90 asiatiques, original et mine de rien tout à fait percutant.