Un singe en hiver est un fil très maîtrisé, impeccable dans toutes ses dimensions artistiques - direction d'acteurs, scénario, dialogues, caractérisation des personnages, décors, photo, rythme, musique, tout est impeccable.
Les deux "héros" ne supportent pas la paix, ils sont nostalgiques de la boucherie humaine de 39-45 et autres massacres coloniaux. Le bon temps, c'était quand on tuait du Chinois au fusil et à la grenade... Et le village normand, en paix, est insulté tout au long du film, faute de le détruire encore comme le village chinois... En fait, à la fin du film, les deux "héros" simulent avec des feux d'artifices la guerre qui s'abattrait de nouveau sur le village normand. Ils haïssent la paix. Leur inadaptation est à la paix. Ils sont nostalgiques de la violence illimitée que la guerre déploie. Ils sont tout simplement immondes.
Verneuil avait fait un peu plus tôt La vache et le prisonnier, dont la scène finale était poignante : le prisonnier, avec sa vache, seuls dans les montagnes, au coeur de l'Europe en guerre... deux innocents pris dans le déchaînement de violence des hommes, le bétail pour le sacrifice... Mais les deux héros d'Un singe en hiver auraient voulu que ce cauchemar ne finisse pas. Ils sont l'antithèse du prisonnier et de sa vache : ce sont eux les bourreaux, jamais rassasiés d'explosions et de corps démembrés, inadaptés à la paix, éjaculant dans la guerre, le massacre et la destruction... Il y en a un qui est le plus excité, le personnage de Belmondo, il veut de la corrida, du sacrifice, de la vache vidée de son sang, de l'innocent au crâne défoncé sur un mur... Et devant les explosions : "ah la belle bleue ! ah la belle rouge !"....
Il faut voir à la suite La vache et le prisonnier puis Un singe en hiver, ce sont deux aspects d'une même réalité, comme deux volets d'une même oeuvre. La guerre vue par ses victimes, puis la guerre vue par ses bourreaux. C'est impeccable et grand.