Les sujets, principaux ou subalternes du film d'Ozu, sont largement teintés d'amertume. Pour autant, fidèle à son style, le cinéaste, qu'il aborde ses thèmes récurrents de façon sérieuse ou grave, y associe souvent une légèreté qui le détourne du pathétique ou du mélodrame.
"Printemps précoce" s'articule principalement autour de deux thèmes, l'un conjugal -qui est le fil rouge du film- à travers l'aventure extraconjugale et culpabilisante d'un mari, et l'autre social qui évoque, dans le Japon d'après-guerre, la condition précaires des jeunes employés japonais, allant jusqu'à considérer une naissance comme une difficulté supplémentaire. Le regard d'Ozu est toujours plein d'empathie pour ses personnages, sans jamais être pesant. Il observe ici le couple des Sugiyama, dont il évoque le désamour par des symboles ou des gestes simples; il fait un portrait touchant et plein de tact de l'épouse esseulée.
La mise en scène n'est pas faite pour nous surprendre, reproduisant le goût d'Ozu pour les plans fixes et géométriques. Certains thèmes aussi nous sont familiers: l'occidentalisation de la jeunesse, la guerre encore dans les esprits, sous la forme d'une réunion d'anciens combattants
qui tourne à la soulerie
-autre récurrence du cinéaste!- et ce sentiment de solitude, voire d'abandon, qui transparait constamment dans l'oeuvre d'Ozu. Dans ce Japon mystérieux (pour le spectateur que je suis) et rituel, notons, pour l'anecdote, ces deux instants inhabituels chez Ozu et dans la représention du couple japonais peu porté aux effusions si l'on en croit les réalisations du cinéaste, deux gestes d'affection sous la forme de baisers sur la bouche!