Aux détriment des séquences de batailles spectaculaires, Kurosawa préfère ici s'attarder sur la dimension psychologique de ses personnages. Tout en transposant le mythique MacBeth de Shakespeare dans les contrées qui lui sont inhérentes (la tragédie d'origine, selon ses propres aveux, ne se trouvait qu'à quelques encablures de l'histoire japonaise traditionnelle de la même ère, d'un point de vue évidemment très global), il visite la destinée d'un seul homme, de son ascension jusqu'à son inexorable et fulgurante chute. Par moments, l'on se croirait ainsi presque dans un SCARFACE d'avant-garde, où Washizu se voudrait un - vague - reflet de Tony Montana parmi les samouraïs. Mais n'usons guère plus longtemps de telles comparaisons entre des uvres aussi diamétralement opposées dans leur forme, dans leur époque et dans la culture qu'elles représentent. La réalisation brille, une fois n'étant pas coutume, de mille feux: des impressionnants travellings latéraux dans la forêt de l'Araignée aux plans fixes intérieurs où les alternances de silences feutrés et de crises d'hystéries de Washizu jouent avec nos nerfs, parfois à la limite du supportable, en passant par les quelques trouvailles esthétiques éblouissantes de beauté et d'originalité (à ce titre, la dernière scène des manifestations de l'Esprit Malin dans la forêt laisse bouche bée de par sa folie visuelle), LE CHÂTEAU DE L'ARAIGNÉE témoigne avec force du grand souci de perfection technique qui fit, incluant d'autres raisons, l'impressionnante renommée de Kurosawa tout au long de sa carrière. Et Toshirô Mifune. Quel comédien, quel homme ! Dans la peau de MacBeth, ou davantage du cousin spirituel de celui-ci, l'acteur fétiche du cinéaste a rarement été aussi bon. Volubile, coléreux, d'abord valeureux puis lâche, traître, névrosé et paranoïaque, il nous livre un jeu époustouflant de bout en bout, qui culminera lors du final, par ailleurs dantesque et des plus définitifs. Un grand film sur la quête de puissance.