Nous sommes au Japon féodal alors que les guerres civiles font rage. Rentrant victorieux d'une nouvelle bataille, les généraux Washizu et Miki font la rencontre d'un esprit dans une forêt. Celui-ci leur fait une prophétie : Washizu deviendra seigneur du château de l'Araignée à la place de Tsuzuki tandis que le fils de Miki lui succédera. Troublé par cette prophétie, Washizu se confie à sa femme Asaji. Celle-ci lui conseille de forcer le destin en assassinant Tsuzuki de ses propres mains... Vous l'aurez compris, "Le Château de l'Araignée" est une adaptation de "Macbeth" par Akira Kurosawa. C'est d'ailleurs à ce jour la meilleure adaptation de la pièce. Si Kurosawa a confié avoir oublié l'histoire de "Macbeth" pour faire de cette histoire une histoire de son pays (qui fut lui aussi déchiré par les guerres de clans pendant une longue période), l'intrigue est essentiellement la même. On y retrouve d'ailleurs la Lady Macbeth la plus terrifiante de l'histoire du cinéma en la personne d'Asaji, incarnée par Isuzu Yamada. Fourbe, influençant sans scrupules son mari pour qu'il accède au pouvoir, Asaji est un personnage fort, retors et sans remords. Washizu, lui, est plus nuancé, rongé peu à peu par ses actes et par sa paranoïa qui lui font massacrer tous ses proches pour garder le pouvoir. Dans ce rôle, c'est Toshirô Mifune que l'on retrouve, forcément impeccable dans ce personnage complexe et torturé, violent et en proie au doute. Mais "Le Château de l'Araignée" doit beaucoup à sa mise en scène. Visiblement très inspiré, Kurosawa puise ses influences dans le théâtre Nô : les mouvements des comédiens sont minimes et leurs expressions se concentrent essentiellement sur leur visage ou alors à l'arrière-plan. Tourné au pied du mont Fuji, là où le décor du château a été créé, tout le film baigne dans la brume et prend vite des aspects gothiques, voire surnaturels. La forêt et son esprit, le château et sa brume, les arbres s'avançant vers le château, les flèches s'abattant sur Washizu lors de la scène finale... Kurosawa fait en sorte d'imprimer dans notre esprit des images fortes, pas loin de l'expressionnisme. Que ce soit lors des scènes d'actions spectaculaires ou des scènes plus intimistes où l'esprit des personnages est mis à mal par la prophétie, la mise en scène est magnifique, imposant "Le Château de l'Araignée" comme un Kurosawa majeur, reflet de la folie des hommes et de leur ambition. Shakespeare n'est pas loin et le cinéaste japonais ne cessera de prouver son talent de dramaturge à de nombreuses autres occasions.