Transposition de «Macbeth» dans le Japon du XVIème siècle, «Le château de l'araignée» (1957) est l'un des deux ou trois plus grands chefs-d'oeuvre de Kurosawa, mais aussi la plus éblouissante traduction cinématographique du drame de Shakespeare, supérieure à mon sens à celle de Welles (1948). Il faut dire que le réalisateur japonais ne recherche pas une fidélité littérale à l'auteur élisabéthain mais s'essaye plutôt à une transmutation de l'essence même de la tragédie dans les conventions du théâtre traditionnel Nô, peut-être davantage compatible avec les exigences propres du cinéma que celles du théâtre anglais du début du XVIIème siècle. Ainsi, pour donner un exemple, une grosse part du texte de lady Macbeth disparaît purement et simplement mais se voit admirablement traduit dans son contenu par la seule attitude hiératique et hallucinée de Asaji (Isuzu Yamada). Et cela crève sans doute mieux l'écran que de longues tirades théâtrales surlignant inutilement l'image cinématographique et son pouvoir suggestif propre. On remarquera d'ailleurs combien le travail graphique de Kurosawa est proprement hallucinant. La précision du cadrage, la beauté et la netteté du dessin, le dosage subtil des éclairages, l'usage profondément contrasté du noir et blanc sont stupéfiants. Les acteurs, en particulier Mifune, assument merveilleusement les exigences du jeu extrêmement stylisé du Nô et les scènes d'ensemble sont chorégraphiées avec une maîtrise absolue. Plusieurs morceaux d'anthologie sont inoubliables. On évoquera seulement celui où Washizu et Miki rencontrent la sorcière dans la forêt ou encore celui, spectaculaire, de l'assassinat final de Washizu (Mifune) sous une pluie de flèches. Kurosawa a signé là un monument intimidant de perfection!
Kurosawa a le sens du rapport qu'entretient l'humain vis-à-vis de l'histoire. Dans une époque féodale japonaise où règne la supersitition et l'autorité seigneuriale Kurosawa montre que les Hommes fabriquent eux-mêmes leur histoire. La prophétie de la socière fait que le seigneur Washizu va décider de son histoire en fonction de cette prophétie. La chanson de la socière est cruciale. Elle chante que la destinée humaine c'est la passion du pouvoir et que les Hommes sont prêts à tout croire pour y accéder. L'histoire est alors tragique pour l'humain qui cède à cette passion. Washizu ne résistera pas à son ambition et sera broyé par l'histoire remplacé par un autre Homme qui sera à son tour remplacé par un autre. Tout se fini et rien ne perdure. C'est alors la réalisation hors du commun de Kurosawa qui prend le pas avec la brume inquiétante, la forêt comme labyrinthe de l'esprit, le chateau comme symbole d'une gloire passée,la femme comme exaltatrice des ambitions masculines et la musique qui participe à cette atmosphère de fin des temps. Tout Kurosawa est là et tant mieux car il signe un chef-d'oeuvre.
Akira Kurosawa a le sens de la mise en scène, c'est indéniable. Malheureusement, son style consiste souvent à traîner en longueur et à ralentir le rythme. "Le Château de l'araignée" en est l'exemple même.
Amateur de Shakespeare, et en particulier de "MacBeth", Akira Kurosawa avait depuis "Rashomon" (1950) l'envie d'adapter la célèbre pièce au cinéma. Mais Orson Welles lui avait coupé l'herbe sous le pied. Le réalisateur japonais choisit donc d'attendre quelques années, et ne sortit qu'en 1957 ce "Château de l'araignée", adaptation relativement fidèle, modulo une transposition de l’Écosse médiévale au Japon féodal. On découvre donc Washizu, un général talentueux et fidèle à son seigneur, qui repousse une révolte avec succès. Mais après avoir entendu la prophétie généreuse d'un esprit malin, et le discours perfide de sa femme, il devient un traître ambitieux et tyran sombrant dans la folie. Même pour ceux qui ne connaissent pas la pièce d'origine, l'héritage théâtral est ici très clair. L'intrigue avance en effet surtout par dialogues, la quasi totalité des combats ou meurtres étant hors champs. Les amateurs d'action et de croisement de lames seront donc peut-être déçus. Pour autant, Kurosawa démontre une fois de plus son savoir-faire, jouant avec l'espace confiné des intérieurs de forteresse avec finesse et maîtrise. Il exploite à merveille ses comédiens et leurs mouvements, manipulant avec adresse le champs/contre-champs ou les mouvements de caméra simples mais diablement efficaces. Sans oublier ses compositions visuelles harmonieuses et limpides, qui annoncent les tourments du protagoniste, et d'une intrigue cruelle. Par ailleurs, le réalisateur est à l'aise avec l'ambiance teintée du fantastique du scénario, notamment avec l'introduction brumeuse et mystérieuse. Et s'il on peut être frustré à juste titre de l'absence d'une bataille finale pourtant très attendue (les décors imposants et nombreux figurants ne semblaient attendre que ça !), la dernière scène avec Toshiro Mifune, très visuelle, vaut son pesant de cacahuète. L'acteur excelle d'ailleurs dans le rôle de Washizu/MacBeth, livrant une prestation particulièrement enflammée ! Pour ceux qui adhèrent davantage aux adaptations plus graphiques, Kurosawa réadaptera Shakespeare dans l'excellent et très visuel "Ran", en 1985.
La soif du pouvoir et ses dérives illustrée parfaitement dans ce film sombre et assez captivant du maître Kurosawa, librement inspiré du Macbeth de Shakespeare, transposé ici dans le Japon féodal.
"Le Château de l'araignée" n'est pas le film que l'on retiendra dans la carrière de Kurosawa mais il s'avère bon tout de même. Les scénaristes ont parfaitement bien transposé l'intrigue du Macbeth de Shakespeare dans le Japon médiéval et l'on retrouve des éléments de qualité dans la mise en scène du cinéaste japonais. Après, ce long métrage manque peut-être du caractère épique et de l'intensité que l'on peut retrouver dans d'autres oeuvres du réalisateur. A voir.
Akira Kurosawa sublime de par son image son long métrage et contraste avec les tréfonds moraux qu'ils laissent resurgir. Les films films du cinéaste Japonnais sont pour autant de plus en plus sombre à l'image de celui-ci donc mais aussi des précédents, Vivre dans la Peur et Les Bas-Fonds. Il filme comme à son habitude les abysses de l’âme humaine et n'en ressort que traîtrise, doutes et vilenie en tout genres. Rien de bon ne transparaît dans Le Château de l'Araignée. La psychologie des personnages le reflète très bien notamment à travers le personnage du Général Washizu incarné par Toshiro Mifune qui s’exécute comme à son habitude avec hargne et passion. Un long métrage qui cherche et scrute toute traces de perfidies et qui m'a un peu ennuyé je dois bien le dire ... L'ensemble est mollasson et peine sur la durée. J’espère que le prochain, La Forteresse Caché, sera plus léger.
Pas fan. Déjà parce que l'intrigue n'est pas très claire, que le jeu des acteurs très theatrale m'a paru assez surjoué. De plus à part quelques effets de caméra, (notamment dans la foret) la mise en scène pourtant signé Kurosawa ne m'a pas épaté et puis la musique est si stridante qu'elle m'en faisait mal aussi dents...
En 1957, Akira Kurosawa transposait le Macbeth de Shakespeare dans le Japon féodal des guerres civiles, où chaque petit seigneur ne rêve que de conquête et d’annexion des territoires voisins. Il en tirait un film âpre et exigeant, aux décors oniriques balayés de brouillard, où le concept de prophétie autoréalisatrice déjà présent dans la tragédie de l’auteur britannique était illustré avec force et poésie. Sa réflexion sur la violence et l’universalité des logiques humaines prend la forme d’une belle et lyrique méditation sur le destin, la vengeance et la soif de pouvoir, doublée d’une démonstration sur la vanité de l’existence.
Une superbe transposition du "Macbeth" de William Shakespeare dans le Japon médiéval . Une troisième incursion dans le cinéma d'Akira Kurosawa toujours aussi impressionnante par la qualité de sa mise en scène en apparence simpliste mais en réalité d'une complexité incroyable avec ses plans fixes, son rythme parfois excessivement lent et par sa direction d'acteurs, Toshiro Mifune livrant une nouvelle prestation électrique, presque animale. Une grande oeuvre sans être le chef d'oeuvre du réalisateur japonais.
Du maître japonais, j'ai vu d'autres films, mais c'est bel et bien la première fois que je vais poster une critique au sujet d'un de ses films. Pour tout dire, ce "Château de l'araignée", relecture japonaise de McBeth me laisse un goût amer dans la bouche. Autant la faire courte, pendant une demi heure, c'est juste génial à suivre. Le ton est donné d'entrée de jeu avec ce paysage brumeux et froid. Avec en arrière-fond sonore, des chants quasi funestes. Ensuite, Kurosawa ne prend pas trop de temps pour poser les bases de son intrigue. Au bout de dix minutes, c'est bon, les pions sont sur l'échiquier. Après, on touche au sublime quand on arrive dans la forêt. La maîtrise du maître fait rêver. Ce passage où les deux guerriers se retrouvent face à cette sorcière, esprit Malin comme ils disent, qui chante comme des incantations étalant les plus bas instincts de l'âme humaine avant de disparaître est tout simplement superbe. Voir comment Kurosawa met ça en scène, c'est une jouissance absolue. Sérieux. Il magnifie ça avec une facilité plus qu'apparente. Ensuite, ça se gâte un peu. L'histoire patine un peu. Cette dernière est alors parasitée par quelques longueurs. A l'image de tout ce qui précède l'assassinat du Seigneur, retiré dans la citadelle. Techniquement, c'est encore immense, mais ça souffre d'une faiblesse dans l'écriture. Mais, c'est arrivé à l'heure de film, ce qui correspond au banquet d'intronisation, que le film perd clairement de sa force. On retrouve encore ces longueurs déjà déplorées auparavant et le rythme est affecté. Se faisant beaucoup plus heurté. Et la fin, quant à elle, laisse l'impression d'arriver de manière trop abrupte. Au final, "Le château de l'araignée", pâtit clairement d'une faiblesse certaine dans l'écriture. On retiendra quand même que ce n'est pas ennuyeux, cette première demi heure juste énorme et la maîtrise technique à couper le souffle de Kurosawa.
Adaptation de Macbeth, Kurosawa livre une oeuvre à la fois tragique, fantastique et historique. Toshiro Mifune est excellent comme d'habitude, la mise en scène est brillante (brouillards près du mont Fuji, forêt étrange, apparitions fantômatiques...). La mort du général Taketori Washizu est un grand moment de cinéma.
Il était une fois dans le Japon féodal, la transposition de la tragédie royale écossaise de Sir Shakespeare in love par ce chef-d'œuvre de sensei Akira oh seigneur Kurosawa, Banzai, Banzai, Banzai !!! L'envoûtement de sa poésie musicale lointaine en ce début de son tambour battant calligramme mythifié. Difficile d'en trouver l'accès avec bonne traduction tellement c'est rare, ses films d'anthologie japonaise sont du grand cinéma. Les shogun percutent le daimyo tout honneur dans son château de l'araignée rongé par les esprits malins, prédit par sa maudite épouse de sa destinée, meurtrier par meurtrier pour le trône ravagé depuis l'intérieur, tel est l'ultime leçon.
Très beau Kurosawa où le noir et blanc et la qualité de la réalisation restituent admirablement la lutte pour le pouvoir dans le Japon médiéval. Libre adaptation de Macbeth, c'est vraisemblablement l'une des plus belles mises en scènes du chef-d'oeuvre de Shakespeare.